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Monde de la Croix

*ARRESTATION ET CRUCIFIXTION*


Croix

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À GETHSEMANI

Il était environ dix heures ce jeudi soir 6 avril de l'an 30, lorsque Jésus emmena les onze apôtres de chez Élie et Marie Marc pour les reconduire au camp de Gethsemani. Depuis la journée passée avec le Maitre dans les collines, Jean Marc s'était toujours arrangé pour garder un oeil vigilant sur Jésus. Ayant besoin de sommeil, Jean avait pris plusieurs heures de repos pendant que le Maitre avait été avec ses apôtres dans la salle du haut. Mais, lorsqu'il les entendit descendre, il se ceignit rapidement d'un manteau de lin et les suivit à travers la ville, puis au-delà du ruisseau Cédron jusqu'à leur campement privé adjacent au Parc de Gethsemani. Durant toute cette nuit et le lendemain, Jean Marc resta si près du Maitre qu'il fut témoin de tout et entendit une grande partie des paroles que le Maitre prononça entre ce moment-là et l'heure de la crucifixion.

Tandis que Jésus et les onze retournaient au camp, les apôtres commencèrent à se demander ce que signifiait l'absence prolongée de Judas. Ils s'entretinrent de la prédiction du Maitre que l'un d'eux le trahirait, et, pour la première, fois ils soupçonnèrent que tout n'allait pas bien du côté de Judas Iscariot. Toutefois, ils ne firent pas ouvertement de commentaires sur Judas avant d'atteindre le camp et de constater qu'il n'était pas là à les attendre. Quand ils assaillirent tous André de questions pour savoir ce que Judas était devenu, leur chef se borna à répondre : “ Je ne sais pas où est Judas, mais je crains qu'il ne nous ait abandonnés. ”

La dernière prière en commun

Quelques instants après leur arrivée au camp, Jésus leur dit : “ Mes amis et mes frères, je n'ai plus que très peu de temps à passer avec vous, et je désirerais que nous nous isolions cependant, que nous prierons notre Père qui est aux cieux de nous accorder la force pour nous soutenir en cette heure et ensuite dans toute l'oeuvre que nous devons accomplir en son nom. ”

Après avoir ainsi parlé, Jésus les conduisit un peu plus haut sur le Mont des Oliviers, jusqu'à une vaste plate-forme rocheuse d'où l'on voyait tout Jérusalem. Il pria les apôtres de s'agenouiller en cercle autour de lui sur le rocher, comme ils l'avaient fait le jour de leur ordination. Ensuite, debout au milieu d'eux et glorifié dans la douce lumière de la lune, il leva les yeux vers le ciel et pria :

“ Père, mon heure est venue; glorifie maintenant ton Fils afin que le Fils puisse te glorifier. Je sais que tu m'as donné pleine autorité sur toutes les créatures vivantes de mon royaume, et je donnerai la vie éternelle à tous ceux qui deviendront fils et filles de Dieu par la foi. Et la vie éternelle, c'est que mes créatures te connaissent comme le seul vrai Dieu et Père de tous, et qu'elles croient en celui que tu as envoyé dans ce monde. Père, je t'ai exalté sur Terre et j'ai accompli l'oeuvre dont tu m'as chargé. J'ai presque achevé mon effusion sur les enfants de notre propre création; il ne me reste plus qu'à abandonner ma vie charnelle. Maintenant, ô mon Père, glorifie-moi de la gloire que j'avais avec toi avant que ce monde n'existe, et reçois-moi une fois de plus à ta droite. ”

“ Je t'ai manifesté aux êtres humains que tu as choisis dans le monde et que tu m'as donnés. Ils sont à toi – comme toute vie est entre tes mains – tu me les as donnés et j'ai vécu parmi eux en leur enseignant les voies de la vie, et ils ont cru. Ces êtres humains apprennent que tout ce que j'ai vient de toi et que ma vie dans la chair est destinée à faire connaître mon Père aux mondes. La vérité que tu m'as donnée, je la leur ai révélée, et eux, mes amis et mes ambassadeurs, ont sincèrement voulu recevoir ta parole. Je leur ai dit que je suis issu de toi, que tu m'avais envoyé dans ce monde et que je suis sur le point de retourner vers toi. Père, en vérité, je prie pour ces êtres humains choisis. Et je prie pour eux non comme je prierais pour le monde, mais comme pour des êtres humains que j'ai choisis dans le monde pour me représenter auprès de ce monde après que je serai retourné à ton oeuvre, de même que je t'ai représenté dans ce monde durant mon séjour dans la chair. Ces êtres humains sont miens ; tu me les as donnés, mais tout ce qui est à moi est toujours à toi, et tu as fait que tout ce qui était à toi soit à moi. Tu as été exalté en moi, et maintenant je prie pour être honoré en ces êtres humains. Je ne puis rester plus longtemps dans ce monde; je vais bientôt retourner à la tâche que tu m'as assignée. Il faut que je laisse ces êtres humains derrière moi pour nous représenter et représenter notre royaume parmi les êtres humains. Père, préserve la fidélité de ces êtres humains pendant que je me prépare à abandonner ma vie dans la chair. Aide ces êtres humains, mes amis, à être un en esprit comme nous aussi, nous sommes un. Tant que je pouvais être auprès d'eux, je pouvais veiller sur eux et les guider, mais maintenant je vais partir. Sois près d'eux, Père, jusqu'à ce que nous puissions envoyer le nouvel instructeur pour les consoler et les fortifier. ”

“ Tu m'as donné douze êtres humains, et je les ai tous gardés sauf un, le fils de la vengeance, qui n'a pas voulu maintenir la communion avec nous. Ces êtres humains sont faibles et frêles, mais je sais que nous pouvons leur faire confiance; je les ai éprouvés; ils m'aiment autant qu'ils te révèrent. Bien qu'ils doivent souffrir beaucoup à cause de moi, je désire qu'ils soient aussi remplis de joie à l'idée d'être assurés de leur filiation dans le royaume céleste. J'ai donné ta parole à ces êtres humains et je leur ai enseigné la vérité. Le monde peut les haïr comme il m'a haï, mais je ne demande pas que tu les retires du monde, seulement que tu les gardes du mal qui sévit dans le monde. Sanctifie-les dans la vérité; ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans ce monde, je vais envoyer ces êtres humains de par le monde. Pour eux, j'ai vécu parmi les êtres humains et j'ai consacré ma vie à ton service, afin de les inspirer pour qu'ils se purifient par la vérité que je leur ai enseignée et par l'amour que je leur ai révélé. Je sais bien, mon Père, que je n'ai pas besoin de te prier de veiller sur ces frères après mon départ; je sais que tu les aimes autant que moi. Mais je fais cela pour qu'ils puissent d'autant mieux réaliser que le Père aime les êtres humains mortels comme le Fils les aime. ”

“ Et maintenant, mon Père, je voudrais prier non seulement pour ces onze êtres humains, mais aussi pour tous les autres qui croient maintenant à l'évangile du royaume ou qui pourront y croire plus tard grâce à la parole du futur ministère de mes apôtres. Je veux qu'ils soient tous un, comme toi et moi, nous ne faisons qu'un. Tu es en moi et je suis en toi, et je désire que ces croyants soient également en nous, que nos deux esprits les habitent. Si mes enfants ne font qu'un comme nous ne faisons qu'un, et qu'ils s'aiment les uns les autres comme je les ai aimés, alors tous les êtres humains croiront que je suis issu de toi et seront prêts à accepter la révélation de vérité et de gloire que j'ai apportée. J'ai révélé à ces croyants la gloire que tu m'as donnée. De même que tu as vécu avec moi en esprit, de même j'ai vécu avec eux dans la chair. De même que tu n'as fait qu'un avec moi, de même je n'ai fait qu'un avec eux, et de même le nouvel instructeur ne fera également à jamais qu'un avec eux et en eux. J'ai fait tout cela pour que mes frères incarnés puissent savoir que le Père les aime comme le Fils les aime, et que tu les aimes comme tu m'aimes. Père, travaille avec moi à sauver ces croyants, afin qu'ils puissent bientôt demeurer avec moi en gloire et te rejoindre ensuite dans l'étreinte du Paradis. Ceux qui servent avec moi dans l'humiliation, je voudrais les avoir auprès de moi en gloire, afin qu'ils puissent voir tout ce que tu as remis entre mes mains comme moisson éternelle de la semence du temps dans la similitude de la chair mortelle. Je désire ardemment montrer à mes frères terrestres la gloire que j'avais avec toi avant la fondation de ce monde. Ce monde te connaît si peu, ô juste Père, mais moi, je te connais, et je t'ai fait connaître à ces croyants, et ils feront connaître ton nom à d'autres générations. Maintenant, je leur promets que tu seras auprès d'eux dans le monde comme tu as été auprès de moi – ainsi soit-il. ”

Durant plusieurs minutes, les onze restèrent agenouillés en cercle autour de Jésus avant de se relever et de regagner silencieusement le camp voisin.

Jésus pria pour l'unité parmi ses disciples, mais il ne désirait pas l'uniformité. Le péché crée un niveau stérile d'inertie mauvaise, mais la droiture nourrit l'esprit créatif de l'expérience individuelle dans les réalités vivantes de la vérité éternelle et dans la communion progressive des divins esprits du Père et du Fils. Dans la communion spirituelle d'un fils croyant avec le divin Père, il ne peut jamais y avoir de finalité doctrinale ni de supériorité sectaire provenant d'une conscience de groupe.

Au cours de cette prière finale avec ses apôtres, le Maitre fit allusion au fait qu'il avait rendu manifeste le nom du Père au monde. C'est bien ce qu'il fit en révélant Dieu par sa vie incarnée, qui avait atteint la perfection. Le Père qui est aux cieux avait cherché à se révéler à Moïse, mais ne put aller plus loin que de faire dire : “ JE SUIS ”. Lorsqu'il fut pressé de se manifester davantage, il dévoila seulement : “ JE SUIS ce que JE SUIS ”. Mais, lorsque Jésus eut achevé sa vie terrestre, le nom du Père avait été révélé de telle sorte que le Maitre, qui était le Père incarné, pouvait dire à juste titre :
  • Je suis le pain de vie.
  • Je suis l'eau vivante.
  • Je suis la lumière du monde.
  • Je suis le désir de tous les âges.
  • Je suis la porte ouverte au salut éternel.
  • Je suis la réalité de la vie sans fin.
  • Je suis le bon berger.
  • Je suis le sentier de la perfection infinie.
  • Je suis la résurrection et la vie.
  • Je suis le secret de la survie éternelle.
  • Je suis le chemin, la vérité et la vie.
  • Je suis le Père infini de mes enfants finis.
  • Je suis le vrai cep; vous êtes les sarments.
  • Je suis l'espoir de tous ceux qui connaissent la vérité vivante.
  • Je suis le pont vivant qui relie un monde à l'autre.
  • Je suis le lien vivant entre le temps et l'éternité.
C'est ainsi que Jésus élargit pour toutes les générations, la révélation vivante du nom de Dieu. De même que l'amour divin révèle la nature de Dieu, de même la vérité éternelle dévoile son nom dans une mesure toujours croissante.

La dernière heure avant la trahison

À leur retour au camp, les apôtres furent extrêmement choqués de ne pas y trouver Judas. Tandis que les onze s'engageaient dans un débat animé au sujet de la traitrise de leur compagnon apôtre, David Zébédée et Jean Marc prirent Jésus à part et lui révélèrent qu'ils avaient surveillé, depuis plusieurs jours, les agissements de Judas et savaient que Judas avaient l'intention de le livrer traitreusement aux mains de ses ennemis. Jésus les écouta, mais se borna à répondre : “ Mes amis, rien ne peut arriver au Fils de l'Homme à moins que le Père qui est aux cieux ne le veuille. Que votre coeur ne soit pas troublé; toutes choses concourront à la gloire de Dieu et au salut des êtres humains. ”

L'attitude sereine de Jésus s'altérait. Dans l'heure qui suivit, il devint de plus en plus grave et même triste. Les apôtres étaient très agités et répugnaient à rentrer dans leurs tentes, même quand le Maitre lui-même les en priait. Au retour de son entretien avec David et Jean Marc, il adressa ses dernières paroles au groupe des onze en disant : “ Mes amis, allez vous reposer. Préparez-vous au travail de demain. Rappelez-vous que nous devrions tous nous soumettre à la volonté du Père qui est aux cieux. Je vous laisse ma paix. ” Ayant ainsi parlé, il les invita à regagner leurs tentes. Alors qu'ils s'éloignaient, il appela Pierre, Jacques et Jean en leur disant : “ Je désire que vous restiez un moment auprès de moi. ”

Les apôtres s'endormirent uniquement parce qu'ils étaient littéralement épuisés; depuis leur arrivée à Jérusalem, ils n'avaient jamais eu leur compte de sommeil. Avant de se séparer pour s'étendre chacun sur sa couche, Simon Zélotès les emmena tous à sa tente, où étaient conservées les épées et autres armes, et remit à chacun son équipement de combat. Tous sauf Nathanael prirent les armes et s'en ceignirent. En refusant de s'armer, Nathanael dit : “ Mes frères, le Maitre nous a dit à maintes reprises que son royaume n'est pas de ce monde et que ses disciples ne devraient pas combattre par l'épée pour l'établir. Je le crois, et je ne pense pas que le Maitre ait besoin que nous utilisions l'épée pour le défendre. Nous avons tous été témoins de sa puissance et nous savons qu'il pourrait se défendre contre ses ennemis s'il le désirait. S'il ne veut pas leur résister, c'est parce que cette ligne de conduite représente sa façon de chercher à accomplir la volonté de son Père. Je prierai, mais je ne tirerai pas l'épée. ” Après avoir entendu la harangue de Nathanael, André rendit son épée à Simon Zélotès. Neuf d'entre eux restèrent donc armés quand ils se séparèrent pour la nuit.

Leur ressentiment contre le fait que Judas était un traitre éclipsait, pour le moment, toute autre préoccupation dans le mental des apôtres. Le commentaire du Maitre sur Judas au cours de la dernière prière avait ouvert leurs yeux sur le fait qu'il les avait abandonnés.

Lorsque les huit apôtres se furent finalement retirés dans leurs tentes, tandis que Pierre, Jacques et Jean se tenaient prêts à recevoir les ordres du Maitre, Jésus dit à David Zébédée : “ Envoie-moi ton messager le plus rapide et le plus sûr. ” David lui amena un certain Jacob, jadis coureur au service des messages de nuit entre Jérusalem et Bethsaïde. Jésus, s'adressant à lui, dit : “ Rends-toi en toute hâte auprès d'Abner à Philadelphie et dis-lui : le Maitre t'envoie ses souhaits de paix et dit que l'heure est venue où il va être livré aux mains de ses ennemis qui le mettront à mort; mais il ressuscitera d'entre les morts et t'apparaîtra bientôt avant d'aller auprès du Père; il te donnera alors des directives jusqu'au moment où le nouvel instructeur viendra vivre dans votre coeur. ” Lorsque Jacob eut répété le message à la satisfaction du Maitre, Jésus le dépêcha en disant : “ Ne crains rien de ce que les êtres humains pourraient te faire, Jacob, car cette nuit un messager invisible courra à tes côtés. ”

Jésus se tourna ensuite vers le chef des visiteurs grecs qui campaient avec son groupe et lui dit : “ Mon frère, ne sois pas troublé par ce qui va arriver, car je t'en ai déjà averti. Le Fils de l'être humain sera mis à mort à l'instigation de ses ennemis, les chefs des prêtres et les dirigeants des Juifs, mais je ressusciterai pour rester un peu de temps avec vous avant d'aller auprès du Père. Quand tu auras vu tout cela se passer, glorifie Dieu et fortifie tes frères. ”

Dans des circonstances ordinaires, chacun des apôtres aurait souhaité personnellement bonne nuit au Maitre, mais, ce soir-là ils, étaient si préoccupés de la soudaine réalisation de la désertion de Judas et si émus par la nature insolite de la prière d'adieu du Maitre, qu'ils se bornèrent à écouter sa salutation d'adieu et partirent en silence.

Au moment où André le quitta cette nuit-là, Jésus lui fit la recommandation suivante : “ André, fais ce que tu peux pour garder tes frères ensemble jusqu'à ce que je revienne vers vous après avoir bu cette coupe. Fortifie tes frères, puisque je t'ai déjà tout dit. Que la paix soit avec toi. ”

Aucun des apôtres ne s'attendait à ce qu'il arrivât quelque chose d'extraordinaire cette nuit-là, car il était déjà très tard. Ils cherchaient à dormir afin de se lever de bonne heure le lendemain matin et d'être prêts pour le pire. Ils pensaient que les chefs des prêtres essaieraient d'appréhender leur Maitre le matin de bonne heure, car on ne faisait jamais de travail profane l'après-midi du jour de la préparation de la Pâque. Seuls David Zébédée et Jean Marc comprirent que les ennemis de Jésus allaient venir avec Judas cette nuit même.

David s'était arrangé pour prendre la garde de nuit sur la piste supérieure qui conduisait à la route de Béthanie à Jérusalem, tandis que Jean Marc devait veiller le long de la route montant du Cédron à Gethsemani. Avant de partir pour sa mission volontaire de sentinelle avancée, David prit congé de Jésus en disant : “ Maitre, j'ai eu grande joie à servir auprès de toi. Mes frères sont tes apôtres, mais je me suis réjoui de faire les moindres choses comme elles devaient l'être, et je te regretterai de tout mon coeur quand tu seras parti. ” Jésus lui répondit : “ David, mon fils, les autres ont fait ce qui leur avait été ordonné, mais c'est de ton propre coeur que tu as rendu service, et j'ai bien remarqué ta dévotion. Toi aussi, tu serviras, un jour, auprès de moi dans le royaume éternel. ”

Alors, tandis qu'il se préparait à aller prendre la garde sur la piste supérieure, David dit à Jésus : “ Tu sais, Maitre, j'ai envoyé chercher les membres de ta famille et un messager m'a dit qu'ils étaient ce soir à Jéricho. Ils seront ici demain matin de bonne heure, car il serait risqué de monter de nuit par ce chemin dangereux. ” Jésus abaissant le regard sur David dit simplement : “ Qu'il en soit ainsi, David. ”

Lorsque David fut monté à son poste sur le Mont des Oliviers, Jean Marc prit sa garde près de la route qui descendait le long du ruisseau vers Jérusalem. Il serait resté à ce poste s'il n'avait été tenaillé par le désir d'être près de Jésus et de savoir ce qui se passait. Peu après que David l'eut quitté et qu'il eut observé Jésus se retirant avec Pierre, Jacques et Jean dans un proche ravin, Jean Marc fut tellement dominé par sa dévotion et sa curiosité conjuguées qu'il abandonna son poste de sentinelle et les suivit en se cachant dans des buissons. De là, il put voir et entendre tout ce qui se passa durant ces derniers moments dans le jardin et juste avant l'apparition de Judas et des gardes armés venus pour arrêter Jésus.

Pendant que tous ces évènements se déroulaient au camp du Maitre, Judas Iscariot conférait avec le capitaine des gardes du temple, qui avait rassemblé ses êtres humains avant de partir pour procéder à l'arrestation de Jésus sous la direction du traitre.

Seul à Gethsemani

Quand tout fut silencieux et tranquille dans le camp, Jésus emmena Pierre, Jacques et Jean, et leur fit remonter, sur une courte distance, un proche ravin où il était souvent allé auparavant prier et communier. Les trois apôtres ne purent s'empêcher de constater que Jésus était profondément accablé; jamais auparavant ils n'avaient vu leur Maitre aussi triste et abattu. En arrivant à l'endroit de ses dévotions, il leur demanda de s'assoir et de veiller avec lui pendant qu'il s'éloignait à la distance d'un jet de pierre pour prier. Tombant face contre Terre, il pria : “ Mon Père, je suis venu dans ce monde pour faire ta volonté et je l'ai faite. Je sais que l'heure est venue d'abandonner ma vie dans la chair, et je ne m'y dérobe pas, mais je voudrais savoir si c'est bien ta volonté que je boive cette coupe. Envoie-moi l'assurance que je te satisferai dans ma mort comme je t'ai satisfait dans ma vie. ”

Le Maitre resta quelques instants dans une attitude de prière, puis retourna vers les trois apôtres ; il les trouva profondément endormis, car leurs paupières étaient pesantes et ils ne pouvaient rester éveillés. Jésus les réveilla en disant : “ Quoi ! Ne pouvez-vous veiller avec moi, même pendant une heure ? Ne pouvez-vous voir que mon âme éprouve une tristesse extrême, une tristesse mortelle, et que je désire ardemment votre compagnie ? ” Après les avoir secoués de leur torpeur, le Maitre repartit seul et retomba de nouveau face contre Terre en priant : “ Père, je sais qu'il est possible d'éviter cette coupe – toutes choses sont possibles pour toi – mais je suis venu pour faire ta volonté et, bien que la coupe soit amère, je la boirai si telle est ta volonté. ” Après qu'il eut ainsi prié, un ange puissant descendit auprès de lui, lui parla, le toucha et le fortifia.

Quand Jésus retourna s'entretenir avec les trois apôtres, il les trouva de nouveau profondément endormis. Il les réveilla en leur disant : “ En cette heure, j'ai besoin que vous veilliez et que vous priiez avec moi – et vous avez bien besoin de prier pour ne pas succomber à la tentation – pourquoi donc vous endormez-vous quand je vous quitte ? ”

Ensuite, le Maitre se retira une troisième fois à l'écart et pria : “ Père, tu vois mes apôtres endormis ; étends ta miséricorde sur eux. En vérité, l'esprit est prompt, mais la chair est faible. Et maintenant, ô Père, si cette coupe ne peut s'éloigner, alors je la boirai. Que ta volonté soit faite et non la mienne. ” Lorsqu'il eut fini de prier, il resta pendant un instant prostré sur le sol. Lorsqu'il se releva et qu'il retourna vers ses apôtres, une fois de plus il les trouva endormis. Il les observa, puis dit tendrement avec un geste de pitié : “ Dormez maintenant et prenez votre repos; le moment de la décision est passé. Voici venir l'heure où le Fils de l'Homme va être trahi et livré aux mains de ses ennemis. ” Puis il se baissa pour les secouer et les réveilla en disant : “ Debout, retournons au camp, car voici que celui qui me trahit est à portée de la main, et l'heure est venue où mon troupeau va être dispersé. Mais je vous ai déjà parlé de ces choses. ”

Durant les années vécues par Jésus parmi ses disciples, ils eurent vraiment de nombreuses preuves de sa nature divine, mais, à ce moment-là, ils sont sur le point de recevoir de nouvelles preuves de son humanité. Juste avant la plus grande révélation de sa divinité, sa résurrection, il faut maintenant que surviennent les plus grandes preuves de sa nature humaine, son humiliation et sa crucifixion.

Chaque fois que Jésus avait prié dans le jardin, sa nature humaine avait, par la foi, saisi plus fermement sa divinité; sa volonté humaine s'était plus complètement unifiée avec la volonté divine de son Père. Parmi d'autres paroles que lui avait dites le puissant ange, se trouvait le message que le Père désirait voir son Fils terminer son effusion terrestre en passant par l'expérience que la créature a de la mort, exactement comme toutes les créatures mortelles doivent faire l'expérience de la dissolution matérielle en passant de l'existence dans le temps à la progression dans l'éternité.

Plus tôt dans la soirée, il n'avait pas paru si difficile au Maitre de boire la coupe, mais, tandis que le Jésus humain disait adieu à ses apôtres et les envoyait se reposer, l'épreuve devenait plus terrible. Jésus éprouvait le flux et le reflux naturel des sentiments communs à toute expérience humaine, et, à ce moment-là, il était fatigué de son travail, épuisé par les longues heures d'efforts assidus et d'anxiété douloureuse au sujet de la sécurité de ses apôtres. Bien que nul mortel ne puisse prétendre saisir les pensées et les sentiments du Fils incarné de Dieu à un moment comme celui-là, nous savons qu'il éprouva une grande angoisse et souffrit d'une tristesse indicible, car la sueur coulait à grosses gouttes sur son visage. Il était enfin convaincu que le Père avait l'intention de laisser les évènements naturels suivre leur cours, et il était pleinement décidé à ne pas recourir, pour se sauver, à son pouvoir souverain de chef suprême d'un univers.

Les armées assemblées d'une immense création planaient maintenant au-dessus de cette scène sous le commandement temporaire conjoint de Gabriel et de l'Ajusteur Personnalisé de Jésus. Les chefs divisionnaires de ces armées célestes ont été avertis à maintes reprises de ne pas s'immiscer dans ces opérations terrestres, à moins que Jésus lui-même ne leur ordonne d'intervenir.

L'expérience de sa séparation d'avec les apôtres exerçait une grande tension sur le coeur humain de Jésus; cette tristesse d'amour l'accablait et lui rendait plus difficile d'affronter en pleine connaissance de cause une mort semblable à celle qui l'attendait. Il se rendait compte de la faiblesse et de l'ignorance de ses apôtres, et craignait de les abandonner. Il savait bien que l'heure de son départ était arrivée, mais son coeur humain cherchait ardemment à découvrir s'il n'y avait pas d'issue possible pour échapper à cette terrible épreuve de souffrance et de chagrin. Après que son coeur eut ainsi cherché une échappatoire sans y parvenir, il accepta de boire la coupe. Le mental divin de Michael savait qu'il avait fait de son mieux pour les douze apôtres, mais le coeur humain de Jésus eut souhaité que davantage eût été fait avant de les laisser seuls dans le monde. Le coeur de Jésus était broyé. Il aimait sincèrement ses frères; il était séparé de sa famille charnelle; l'un de ses associés choisis le trahissait; le peuple de son père Joseph l'avait rejeté et avait scellé ainsi son propre destin en tant que peuple chargé d'une mission spéciale sur Terre; son âme était torturée par son amour déçu et sa miséricorde rejetée. Il s'agissait d'un de ces moments terribles dans la vie d'un être humain, où tout semble l'accabler avec une cruauté et une angoisse affreuse.

La nature humaine de Jésus n'était pas insensible à cette situation de solitude personnelle, d'opprobre public et d'échec apparent de sa cause. Tous ces sentiments pesaient sur lui avec une lourdeur indescriptible. Dans cette grande tristesse, sa pensée revint à l'époque de son enfance à Nazareth et de ses premiers travaux en Galilée. Au moment de cette grande épreuve, de nombreuses scènes agréables de son ministère terrestre se présentèrent à son mental. Grâce à ces vieux souvenirs de Nazareth, de Capharnaüm, du mont Hermon et du lever et du coucher de soleil sur la scintillante mer de Galilée, il parvint à se calmer tout en fortifiant et en préparant son coeur humain à rencontrer le félon qui devait si prochainement le trahir.

Avant l'arrivée de Judas et des soldats, le Maitre avait pleinement repris son équilibre habituel. L'esprit avait triomphé de la chair; la foi s'était affirmée supérieure à toutes les tendances humaines à craindre ou à entretenir des doutes. L'épreuve suprême de la pleine réalisation de la nature humaine avait été affrontée et passée d'une manière satisfaisante. Une fois de plus, le Fils de l'Homme était prêt à faire face à ses ennemis avec sérénité et avec la pleine assurance qu'il était invincible en tant que mortel voué sans réserve à faire la volonté de son Père.

JÉSUS TRAHI ET ARRÊTÉ

Après que Jésus eut finalement réveillé Pierre, Jacques et Jean, il leur suggéra de retourner dans leurs tentes et de chercher à dormir pour se préparer aux tâches du lendemain. Mais les apôtres étaient maintenant tout à fait réveillés; leurs brefs moments de sommeil les avaient reposés. En outre, ils étaient stimulés et excités par l'arrivée sur la scène de deux messagers très agités qui s'enquirent de David Zébédée et partirent rapidement à sa recherche dès que Pierre leur eut indiqué où se trouvait son poste de garde.

Quoique huit des apôtres fussent profondément endormis, les Grecs qui campaient près d'eux craignaient davantage des troubles, au point qu'ils avaient posté une sentinelle pour donner l'alarme en cas de danger. Lorsque les deux messagers entrèrent précipitamment dans le camp, la sentinelle grecque se mit à réveiller tous ses compatriotes, qui sortirent de leurs tentes tout habillés et complètement armés. Tout le camp était maintenant en éveil, sauf les huit apôtres. Pierre voulait les appeler, mais Jésus le lui interdit formellement. Le Maitre leur recommanda doucement à tous de retourner dans leurs tentes, mais ils étaient peu disposés à suivre cette invite.

N'ayant pas réussi à disperser ses partisans, le Maitre les quitta et descendit vers le pressoir à olives proche de l'entrée du Parc de Gethsemani. Les trois apôtres, les Grecs et les autres membres du camp hésitèrent à le suivre immédiatement, mais Jean Marc se hâta de contourner les oliviers et se cacha dans une petite baraque proche du pressoir à olives. Si Jésus s'éloignait du camp et de ses amis, c'était afin que les êtres humains venus pour s'emparer de lui puissent l'arrêter à leur arrivée sans déranger les apôtres. Le Maitre préférait que ses apôtres ne fussent pas réveillés et présents au moment de son arrestation; il craignait que le spectacle de la trahison de Judas n'excite leur animosité au point de les faire résister aux soldats et emmener en prison avec lui. S'ils étaient arrêtés avec lui, il avait peur qu'ils ne périssent aussi avec lui.

Jésus savait que le plan pour le faire mourir avait son origine dans les conseils des dirigeants juifs, mais il était également conscient que tous ces projets néfastes avaient la pleine approbation de Lucifer, de Satan et de Caligastia. Il savait bien que ces rebelles des royaumes verraient aussi avec plaisir tous les apôtres exterminés avec lui.

Jésus s'assit, dans la solitude, sur le pressoir à olives et y attendit l'arrivée du traitre, et il n'était vu, à ce moment-là, que par Jean Marc et une multitude d'observateurs célestes.

La volonté du Père

Il y a de grands risques de malentendus sur la signification de nombreux évènements et récits associés à la fin de la carrière du Maitre dans la chair. Le traitement cruel envers Jésus par les serviteurs ignorants et les soldats sans coeur, la manière injuste dont il fut jugé et l'insensibilité des prétendus chefs religieux ne doivent pas être confondus avec le fait qu'en supportant patiemment toutes ces souffrances et humiliations, Jésus accomplissait vraiment la volonté du Père du Paradis. En fait et en vérité, la volonté du Père était bien que son Fils boive pleinement la coupe de l'expérience des mortels depuis la naissance jusqu'à la mort; mais jamais le Père qui est aux cieux ne contribua en quoi que ce soit à provoquer la conduite barbare de ces êtres humains soi-disant civilisés qui torturèrent si brutalement le Maitre et accumulèrent successivement des indignités si horribles sur sa personne qui ne résistait pas. Ces épreuves inhumaines et choquantes que Jésus eut à subir dans les dernières heures de sa vie de mortel ne furent en aucun sens une partie de la volonté divine du Père, que la nature humaine de Jésus s'était si triomphalement engagée à exécuter au moment de la reddition finale de l'être humain à Dieu, comme l'exprimait la triple prière qu'il formula dans le jardin de Gethsemani pendant que ses apôtres fatigués dormaient du sommeil de l'épuisement physique.

Le Père qui est aux cieux désirait que le Fils d'effusion terminât sa carrière terrestre d'une manière naturelle, exactement comme tous les mortels doivent terminer leur vie sur Terre et dans la chair. Les hommes et les femmes ordinaires ne peuvent s'attendre à ce que leurs dernières heures sur Terre et la survenance de l'épisode de la mort leur soient facilitées par une dispense spéciale. En conséquence, Jésus choisit d'abandonner sa vie charnelle d'une manière conforme au cours naturel des évènements. Il refusa fermement de se dégager des griffes cruelles d'une perfide conspiration d'évènements inhumains qui l'entraînait avec une horrible certitude vers son incroyable humiliation et sa mort ignominieuse. Chaque élément de cette stupéfiante manifestation de haine et de cette démonstration de cruauté sans précédent fut l'oeuvre d'êtres humains mauvais et de mortels méchants. Elle ne fut ni voulue par Dieu dans les cieux, ni prescrite par les ennemis acharnés et supramatériels de Jésus, bien que ces derniers eussent largement contribué à faire rejeter ainsi le Fils d'effusion par des mortels irréfléchis et mauvais. Même le père du péché détourna sa face de l'atroce scène d'horreur de la crucifixion.

Judas dans la ville

Après que Judas eut si brusquement quitté la table au milieu du Dernier Souper, il se rendit tout droit chez son cousin, puis tous deux allèrent directement trouver le capitaine des gardes du temple. Judas demanda au capitaine de réunir les gardes et l'informa qu'il était prêt à les conduire vers Jésus. Judas était venu un peu plus tôt qu'on ne l'attendait, de sorte qu'il fallut un certain temps pour se mettre en route vers la maison de Marc, où Judas s'attendait à trouver Jésus s'entretenant encore avec les apôtres. Le Maitre et les onze apôtres quittèrent le domicile d'Élie Marc au moins un quart d'heure avant l'arrivée du traitre et des gardes. Au moment où ceux qui venaient l'arrêter arrivèrent chez Marc, Jésus et les onze étaient déjà sortis de l'enceinte de la ville et en route vers le camp d'Olivet.

Judas fut très inquiet de ne pas trouver Jésus à la résidence de Marc et en compagnie des onze êtres humains, dont deux seulement étaient armés pour résister. Il avait appris fortuitement que, l'après-midi où il avait quitté le camp seul Simon Pierre et Simon Zélotès s'étaient ceints d'une épée. Judas avait espéré s'emparer de Jésus pendant que la ville était tranquille et qu'il y avait peu de chances de résistance. Le traitre craignait d'avoir à faire face à plus de soixante disciples dévoués s'il attendait leur retour au camp, et il savait aussi que Simon Zélotès disposait d'une ample réserve d'armes. Judas devenait de plus en plus nerveux en songeant à quel point les onze apôtres loyaux le détesteraient, et il redoutait qu'ils ne cherchent tous à le tuer. Non seulement il était déloyal, mais aussi réellement lâche dans son coeur.

Faute de trouver Jésus dans la salle du haut, Judas demanda au capitaine des gardes de retourner au temple. À cette heure, les dirigeants avaient commencé à s'assembler chez le grand-prêtre pour se préparer à recevoir Jésus, vu que leur convention avec le traitre comportait l'arrestation de Jésus à minuit ce jour-là. Judas expliqua à ses associés qu'ils avaient manqué Jésus à la maison de Marc, et qu'il faudrait aller à Gethsemani pour l'arrêter. Le traitre poursuivit en précisant que plus de soixante disciples dévoués campaient avec lui et qu'ils étaient tous bien armés. Les chefs des juifs rappelèrent à Judas que Jésus avait toujours prêché la non-résistance, mais il répliqua que l'on ne pouvait compter sur tous les disciples de Jésus pour obéir à cet enseignement. Judas avait réellement peur pour lui-même, et c'est pourquoi il osa demander une compagnie de quarante soldats en arme. N'ayant pas sous leur juridiction une force aussi importante, les autorités juives se rendirent aussitôt à la forteresse d'Antonia et requirent le commandant romain de leur fournir cette garde. Mais, en apprenant leur intention d'arrêter Jésus, le commandant refusa aussitôt d'accéder à leur demande et les adressa à son officier supérieur. De cette manière, ils perdirent plus d'une heure en allant d'une autorité à l'autre, jusqu'au moment où ils furent contraints d'aller jusqu'à Pilate en personne pour obtenir l'autorisation d'employer les gardes romains armés. Quand ils arrivèrent à la maison de Pilate, il était tard, et Pilate s'était retiré avec sa femme dans son appartement privé. Il hésita à s'immiscer en quoi que ce soit dans l'entreprise; d'autant plus que sa femme lui avait demandé de ne pas faire droit à la requête. Mais, puisque le président du Sanhédrin juif était présent et demandait personnellement cette assistance, le gouverneur crut sage de donner l'autorisation; il s'estimait en mesure de rectifier ultérieurement n'importe quelle mauvaise action qu'ils auraient pu être amenés à commettre.

En conséquence, lorsque Judas Iscariot partit du temple vers onze heures et demie du soir, il était accompagné de plus de soixante personnes – gardes du temple, soldats romains et serviteurs curieux des dirigeants et chefs des prêtres.

L'arrestation du Maitre

Tandis que cette compagnie de soldats armés et de gardes, portant torches et lanternes, approchait du jardin, Judas prit une bonne avance sur la troupe pour être prêt à identifier rapidement Jésus afin de permettre aux êtres humains chargés de l'arrêter de mettre facilement la main sur lui avant que ses associés n'aient le temps de se rassembler pour le défendre. Il y avait encore une autre raison pour que Judas choisisse de précéder les ennemis du Maitre : il pensait qu'ainsi il semblerait être arrivé sur la scène avant les soldats, de sorte que les apôtres et les autres disciples réunis autour de Jésus n'établiraient peut-être pas de lien direct entre sa venue et les gardes armés qui le suivaient de si près. Judas avait même pensé prétendre s'être hâté pour les prévenir de l'approche de ceux qui venaient l'arrêter, mais ce plan fut contrecarré par la manière flétrissante dont Jésus salua le félon. Bien que le Maitre parla aimablement à Judas, il l'accueillit comme un traitre.

Aussitôt que Pierre, Jacques, Jean et une trentaine de campeurs virent la troupe armée munie de torches contourner la crête de la colline, ils surent que ces soldats venaient arrêter Jésus, et tous descendirent précipitamment vers le pressoir à olives, où le Maitre était assis seul sous le clair de lune. Tandis que la compagnie de soldats s'approchait d'un côté, les trois apôtres et leurs associés s'approchaient de l'autre, et, alors que Judas s'avançait à grandes enjambées pour accoster le Maitre, les deux groupes s'immobilisèrent avec le Maitre entre eux, Judas se préparant à déposer le baiser de trahison sur le front de Jésus.

Le traitre avait espéré qu'après avoir conduit les gardes à Gethsemani, il pourrait simplement désigner Jésus aux soldats ou tout au plus exécuter la promesse de le saluer par un baiser, puis quitter rapidement la scène. Judas craignait beaucoup que les apôtres ne soient tous présents et ne concentrent leur attaque sur lui pour le punir d'avoir osé trahir leur instructeur bien-aimé, mais, lorsque le Maitre l'accueillit comme un traitre, il fut tellement confus qu'il ne fit aucune tentative pour s'enfuir.

Jésus fit un dernier effort pour éviter à Judas d'accomplir effectivement son geste de trahison. Avant que le traitre ait pu le joindre, il fit quelques pas de côté et interpella le militaire de tête sur la gauche, le capitaine des Romains, en lui disant : “ Qui cherches-tu ? ” Le capitaine répondit : “ Jésus de Nazareth. ” Alors, Jésus se planta immédiatement devant l'officier et, avec la calme majesté du Dieu de toute notre création, il lui dit : “ C'est moi. ” Beaucoup de membres de la garde armée avaient entendu Jésus enseigner dans le temple, et d'autres avaient entendu parler de ses oeuvres puissantes. Lorsqu'ils l'entendirent déclarer son identité si audacieusement, les soldats des premiers rangs reculèrent soudainement. Ils furent saisis de surprise devant la calme et majestueuse déclaration de son identité. Judas n'avait donc aucun besoin de poursuivre son plan de trahison. Le Maitre s'était audacieusement dévoilé à ses ennemis, qui auraient pu s'emparer de lui sans l'assistance de Judas. Mais il fallait que le traitre fit quelque chose pour justifier sa présence avec cette troupe armée; en outre, il voulait donner le spectacle de jouer son rôle dans l'accord de trahison avec les chefs des Juifs, pour mériter les grosses récompenses et les grands honneurs qui, croyait-il, allaient s'amonceler sur lui en compensation de sa promesse de livrer Jésus entre leurs mains.

Tandis que les gardes se ressaisissaient après avoir d'abord vacillé à la vue de Jésus et au son de sa voix inhabituelle, et tandis que les apôtres et les disciples se rapprochaient, Judas s'avança vers Jésus, déposa un baiser sur son front et dit : “ Salut, Maitre et Instructeur. ” Au moment où Judas embrassa ainsi son Maitre, Jésus lui dit : “ Ami, ne suffit-il pas de faire cela ! Veux-tu encore trahir le Fils de l'Homme par un baiser ? ”

Les apôtres et les disciples furent littéralement abasourdis de ce qu'ils voyaient. Pendant un moment, nul ne fit un geste. Puis Jésus, se dégageant de la traitresse étreinte de Judas, s'avança vers les gardes et les soldats, et demanda de nouveau : “ Qui cherchez-vous ? ” Le capitaine répéta : “ Jésus de Nazareth. ” Et Jésus répondit encore une fois : “ Je t'ai dit que c'est moi. Si donc c'est moi que tu cherches, laisse les autres aller leur chemin. Je suis prêt à te suivre. ”

Jésus était prêt à retourner à Jérusalem avec les gardes, et le capitaine des soldats était entièrement disposé à permettre aux trois apôtres et à leurs associés d'aller leur chemin en paix. Mais, avant qu'ils n'aient pu repartir, et tandis que Jésus attendait les ordres du capitaine, un certain Malchus, un Syrien garde de corps du grand-prêtre, s'avança vers Jésus et se prépara à lui lier les mains derrière le dos, bien que le capitaine romain ne lui eût rien ordonné de tel. Lorsque Pierre et ses associés virent leur Maitre soumis à cette indignité, ils furent incapables de se contenir plus longtemps. Pierre tira son épée et se précipita avec les autres pour frapper Malchus. Mais, avant que les soldats n'aient pu accourir à la défense du serviteur du grand-prêtre, Jésus leva la main vers Pierre en un geste d'interdiction et lui parla sévèrement en disant : “ Pierre, rengaine ton épée. Quiconque tire l'épée périra par l'épée. Ne comprends-tu pas que c'est la volonté du Père que je boive cette coupe ? Ne sais-tu pas non plus que, même maintenant, je pourrais commander plus de douze légions d'anges et leurs associés, qui me délivreraient des mains de ces quelques êtres humains ? ”

Bien que Jésus eût ainsi mis fin à cette démonstration de résistance physique par ses disciples, c'en fut assez pour susciter la peur chez le capitaine des gardes qui, alors, avec l'aide de ses soldats, abattit ses lourdes mains sur Jésus et le lia rapidement. Tandis qu'ils lui attachaient les mains avec de fortes cordes, Jésus leur dit : “ Pourquoi sortez-vous contre moi avec des épées et des bâtons comme pour saisir un voleur ? J'étais tous les jours dans le temple avec vous, enseignant publiquement le peuple, et vous n'avez fait aucun effort pour m'appréhender. ”

Après avoir lié Jésus, le capitaine, craignant que les disciples du Maitre n'essayent de le délivrer, donna des ordres pour les saisir aussi; mais les soldats ne furent pas assez rapides, car les disciples avaient entendu le capitaine donner des ordres pour les arrêter et s'étaient enfuis précipitamment dans le ravin. Pendant tout ce temps, Jean Marc était resté cloitré dans la baraque voisine. Quand les gardes repartirent pour Jérusalem avec Jésus, Jean Marc essaya de sortir subrepticement de la baraque pour rejoindre les apôtres et les disciples qui s'enfuyaient, mais, au moment précis où il sortait, un des derniers soldats qui revenaient de poursuivre les disciples en fuite passait à côté. Voyant ce jeune être humain dans son manteau de lin, il lui donna la chasse et réussit presque à l'attraper. En fait, le soldat arriva assez près de Jean Marc pour saisir son manteau, mais le jeune être humain se libéra du vêtement et s'échappa tout nu tandis que le soldat tenait le manteau vide. Jean Marc se rendit en toute hâte auprès de David Zébédée sur la piste supérieure. Après qu'il eut raconté à David tout ce qui était arrivé, ils allèrent tous deux bien vite aux tentes des apôtres endormis et mirent les huit au courant de ce que le Maitre avait été trahi et arrêté.

À peu près au moment où les huit apôtres furent ainsi réveillés, leurs compagnons qui avaient fui en remontant le ravin commençaient à revenir, et tous se réunirent au pressoir à olives pour discuter de ce qu'il fallait faire. Entretemps, Simon Pierre et Jean Zébédée, qui s'étaient cachés parmi les oliviers, étaient déjà partis suivre la troupe des soldats, gardes et serviteurs qui ramenaient maintenant Jésus à Jérusalem comme ils auraient conduit un criminel invétéré. Jean Zébédée suivait la troupe de très près, mais Pierre suivait à bonne distance. Jean Marc, après avoir échappé aux griffes du soldat, s'était couvert d'une cape qu'il avait trouvée dans la tente de Simon Pierre et de Jean Zébédée. Il soupçonnait que les gardes allaient emmener Jésus chez Annas, le grand-prêtre honoraire; il fit donc un détour par les oliveraies et arriva avant la troupe au palais du grand-prêtre, où il se cacha près de la principale porte d'entrée.

La discussion auprès du pressoir à olives

Jacques Zébédée se trouva séparé de Simon Pierre et de son frère Jean, de sorte qu'il rejoignit les autres apôtres et campeurs au pressoir à olives pour délibérer sur ce qu'il y avait lieu de faire au sujet de l'arrestation du Maitre.

André avait été dégagé de toute responsabilité en tant que directeur du groupe apostolique; en conséquence, dans ce qui était la plus grande crise de leur vie, il resta silencieux. Après une brève discussion, Simon Zélotès monta sur le mur de pierre du pressoir à olives et fit un plaidoyer passionné en faveur de la fidélité au Maitre et de la cause du royaume; il exhorta ses compagnons apôtres et les autres disciples à courir après la troupe et à libérer Jésus. La majorité du groupe aurait été disposée à suivre sa conduite agressive sans le conseil de Nathanael qui, dès que Simon Zélotès eut fini de parler, se leva et attira l'attention de l'auditoire sur les enseignements maintes fois répétés de Jésus au sujet de la non-résistance. Il rappela en outre que, cette nuit même, Jésus leur avait ordonné de protéger leur vie en attendant le moment où ils se répandraient dans le monde pour proclamer la bonne nouvelle de l'évangile du royaume céleste. Jacques Zébédée encouragea Nathanael dans cette prise de position; il raconta comment Pierre et d'autres avaient tiré l'épée pour empêcher l'arrestation du Maitre, et comment Jésus avait commandé à Pierre et à ceux de ses compagnons qui portaient une épée de rengainer leurs lames. Matthieu et Philippe firent aussi des discours, mais il ne sortit rien de précis de la discussion avant l'intervention de Thomas, qui attira leur attention sur le fait que Jésus avait recommandé à Lazare de ne pas s'exposer à la mort. Thomas fit remarquer que les apôtres ne pouvaient rien faire pour sauver leur Maitre, puisqu'il avait refusé de permettre à ses amis de le défendre et qu'il persistait à s'abstenir d'user de ses pouvoirs divins pour contrecarrer ses ennemis humains. Thomas les persuada de se disperser, chacun de son côté, en convenant que David Zébédée resterait au camp pour maintenir un centre de coordination et un quartier général de messagers pour le groupe. Vers deux heures et demie ce matin-là, le camp était abandonné; seul David restait là avec trois ou quatre messagers, après avoir dépêché les autres pour se procurer des renseignements sur l'endroit où l'on avait emmené Jésus et sur ce qu'on allait faire de lui.

Cinq apôtres, Nathanael, Matthieu, Philippe et les jumeaux, allèrent se cacher à Béthanie et à Bethphagé. Thomas, André, Jacques et Simon Zélotès se dissimulèrent dans Jérusalem. Simon Pierre et Jean Zébédée suivirent la cohorte jusque chez Annas.

Peu après le lever du jour, Simon Pierre, morne image d'un profond désespoir, retourna errer dans le camp de Gethsemani. David le fit accompagner par un messager pour qu'il rejoigne son frère André chez Nicodème à Jérusalem.

Jusqu'à l'extrême fin de la crucifixion, Jean Zébédée resta toujours à portée de la main, comme Jésus le lui avait ordonné, et ce fut lui qui, d'heure en heure, fournit aux messagers les renseignements qu'ils apportaient à David au camp du jardin et qui étaient ensuite retransmis aux apôtres terrés et à la famille de Jésus.

Certes, le berger est frappé et les brebis sont dispersées ! Les apôtres se rendent vaguement compte que Jésus les a avertis précisément de cette situation, mais ils sont trop violemment bouleversés par la disparition soudaine du Maitre pour pouvoir utiliser normalement leurs facultés mentales.

Ce fut un peu après le lever du jour, et après que Pierre eut été envoyé rejoindre André, que Jude, le frère charnel de Jésus, arriva au camp, presque hors d'haleine et en avance sur le reste de la famille de Jésus, pour apprendre seulement que le Maitre avait déjà été mis en état d'arrestation. Il se hâta de redescendre la route de Jéricho pour apporter ce renseignement à sa mère et à ses frères et soeurs. David Zébédée chargea Jude d'inviter la famille de Jésus à se rassembler chez Marthe et Marie à Béthanie et à y attendre les nouvelles que ses messagers leur apporteraient régulièrement.

Telle était, durant la seconde moitié de la nuit du jeudi et les premières heures de la matinée du vendredi, la situation concernant les apôtres, les principaux disciples et la famille terrestre de Jésus. Tous ces groupes et individus restaient en contact les uns avec les autres par le service des messagers que David Zébédée continuait à faire fonctionner depuis son quartier général du camp de Gethsemani.

Sur le chemin du palais du grand-prêtre

Avant de quitter le jardin avec Jésus, une dispute s'éleva entre le capitaine juif des gardes du temple et le capitaine romain de la compagnie de soldats au sujet de l'endroit où il fallait emmener Jésus. Le capitaine des gardes du temple donna des ordres pour qu'il fût emmené chez Caïphe, le grand-prêtre en exercice. Le capitaine des soldats romains ordonna que Jésus fût emmené au palais d'Annas, l'ancien grand-prêtre et beau-père de Caïphe. Il le fit parce que les Romains avaient l'habitude de traiter directement avec Annas toutes les questions concernant l'application des lois ecclésiastiques juives. Les ordres du capitaine romain furent exécutés, et Jésus fut conduit à la maison d'Annas pour son interrogatoire préliminaire.

Judas marchait près des capitaines, entendant tout ce qui se disait, mais sans prendre part à la dispute, car ni le capitaine juif ni l'officier romain ne voulaient s'abaisser à parler au traitre – tellement ils le méprisaient.

À ce moment-là, Jean Zébédée se rappela les instructions de son Maitre de rester toujours à proximité immédiate, et se hâta de rattraper Jésus qui marchait entre les deux capitaines. Voyant Jean s'avancer à sa hauteur, le commandant des gardes du temple dit à son assistant : “ Prends cet homme et lie-le. Il est l'un des disciples de cet homme. ” Mais, lorsque le capitaine romain entendit cela, il tourna la tête, vit Jean et donna des ordres pour que l'apôtre vienne auprès de lui et que personne ne le moleste. Le capitaine romain dit ensuite au capitaine juif : “ Cet être humain n'est ni un traitre ni un lâche. Je l'ai vu dans le jardin, où il n'a pas tiré l'épée pour nous résister. Il a le courage de s'avancer pour être auprès de son Maitre, et nul ne mettra la main sur lui. La loi romaine permet que tout prisonnier puisse avoir au moins un ami qui l'accompagne à la barre du tribunal; on n'empêchera pas cet être humain de rester aux côtés de son Maitre, le prisonnier. ” Lorsque Judas entendit cela, il fut tellement honteux et humilié qu'il ralentit le pas derrière les marcheurs et arriva seul au palais d'Annas.

Ceci explique pourquoi Jean Zébédée put rester auprès de Jésus tout au long des sévères épreuves que le Maitre eut à subir cette nuit-là et le lendemain. Les Juifs craignaient de faire une observation quelconque à Jean ou de le molester d'aucune manière, parce que son statut était quelque peu devenu celui d'un conseiller romain désigné pour agir comme observateur des opérations du tribunal ecclésiastique juif. La position privilégiée de Jean fut d'autant mieux assurée que le capitaine romain, en remettant Jésus au capitaine des gardes du temple devant la porte du palais d'Annas, dit à son assistant : “ Accompagne le prisonnier, et veille à ce que ces Juifs ne le tuent pas sans le consentement de Pilate. Veille à ce qu'ils ne l'assassinent pas et assure-toi que son ami, le Galiléen, soit autorisé à rester auprès de lui et à observer tout ce qui se passera. ” C'est ainsi que Jean put rester auprès de Jésus jusqu'au moment de sa mort sur la croix, tandis que les dix autres apôtres étaient obligés de rester cachés. Jean agissait sous la protection romaine, et les Juifs n'osèrent pas le molester avant la mort du Maitre.

Sur tout le trajet jusqu'au palais d'Annas, Jésus n'ouvrit pas la bouche. Depuis le moment de son arrestation jusqu'à son apparition devant Annas, le Fils de l'Homme ne dit pas un mot.

DEVANT LE TRIBUNAL DU SANHÉDRIN

Des représentants d'Annas avaient donné des ordres secrets au capitaine des soldats romains pour amener immédiatement Jésus au palais d'Annas après son arrestation. L'ancien grand-prêtre désirait maintenir son prestige comme principale autorité ecclésiastique des Juifs. Il avait aussi un autre dessein en retenant Jésus pendant plusieurs heures chez lui, celui de gagner du temps pour permettre de convoquer légalement le tribunal du Sanhédrin. Il était illégal de le réunir avant l'heure de l'offrande du sacrifice matinal dans le temple, et ce sacrifice était offert vers trois heures du matin.

Annas savait qu'un tribunal de Sanhédrin attendait au palais de son gendre, Caïphe. Une trentaine de membres du Sanhédrin s'étaient réunis, vers minuit, au domicile du grand-prêtre, pour être prêts à juger Jésus quand on l'amènerait devant eux. Seuls étaient assemblés les membres fortement et ouvertement opposés à Jésus et à ses enseignements, et il n'en fallait que vingt-trois pour constituer une cour de jugement.

Jésus passa environ trois heures au palais d'Annas sur le mont Olivet, non loin du jardin de Gethsemani où il fut arrêté. Jean Zébédée était libre et en sécurité dans le palais d'Annas, non seulement à cause de la parole du capitaine romain, mais aussi parce que lui et son frère Jacques étaient bien connus des vieux serviteurs pour avoir été maintes fois invités au palais, car le grand-prêtre était un parent éloigné de leur mère Salomé.

L'interrogatoire par Annas

Enrichi par les revenus du temple, avec son gendre exerçant la fonction de grand-prêtre, et en raison de ses relations avec les autorités romaines, Annas était certainement l'individu le plus puissant du monde juif. Il était un politicien doucereux et habile dans ses plans et ses complots. Il désirait prendre la direction de l'affaire pour se débarrasser de Jésus, et craignait de confier entièrement cette importante entreprise à son gendre impulsif et agressif. Annas voulait s'assurer que le jugement du Maitre resterait entre les mains des sadducéens; il craignait la sympathie possible de certains pharisiens, car pratiquement tous les membres du Sanhédrin qui avaient épousé la cause de Jésus étaient des pharisiens.

Annas n'avait pas vu Jésus depuis plusieurs années, depuis l'époque où le Maitre s'était présenté chez lui et était immédiatement reparti en remarquant la froideur et la réserve de l'accueil qui lui était fait. Annas avait pensé faire état de ces anciens rapports pour essayer de persuader Jésus d'abandonner ses prétentions et de quitter la Palestine. Il répugnait à participer au meurtre d'un être humain de bien et avait pensé que Jésus pourrait préférer quitter le pays plutôt que d'y subir la mort. Mais, quand Annas se trouva devant le Galiléen vaillant et résolu, il se rendit immédiatement compte que des propositions de ce genre seraient inutiles. Jésus était encore plus majestueux et pondéré qu'Annas ne se le rappelait.

Quand Jésus était jeune, Annas s'était beaucoup intéressé à lui, mais, maintenant, ses revenus étaient menacés par l'action récente de Jésus chassant du temple les changeurs et autres commerçants. Beaucoup plus que les enseignements de Jésus, cet acte avait suscité l'inimitié de l'ancien grand-prêtre.

Annas entra dans sa spacieuse salle d'audience, s'assit dans un grand fauteuil et ordonna que Jésus fût amené devant lui. Après avoir observé le Maitre en silence pendant quelques instants, il dit : “ Tu comprends bien qu'il faut faire quelque chose au sujet de ton enseignement, puisque tu troubles la paix et l'ordre de notre pays. ” Tandis qu'Annas jetait sur Jésus un regard inquisiteur, le Maitre le regarda droit dans les yeux, mais ne fit aucune réponse. Annas reprit la parole et dit : “ Quels sont les noms de tes disciples, en dehors de Simon Zélotès, l'agitateur ? ” De nouveau, Jésus le regarda, mais ne répondit rien.

Annas fut très troublé par le refus de Jésus de répondre à ses questions, au point qu'il lui dit : “ Ne te soucies-tu pas que je sois bienveillant envers toi ou non ? N'as-tu pas de considération pour le pouvoir dont je dispose pour déterminer l'issue de ton prochain jugement ? ” En entendant cela, Jésus dit : “ Annas, tu sais que tu ne pourrais avoir aucun pouvoir sur moi sans la permission de mon Père. Certains voudraient tuer le Fils de l'Homme parce qu'ils sont ignorants et ne connaissent rien de mieux; mais toi, ami, tu sais ce que tu fais. Alors comment peux-tu rejeter la lumière de Dieu ? ”

Annas fut presque abasourdi par la manière aimable dont Jésus lui parlait, mais il avait déjà décidé mentalement que Jésus devait soit quitter la Palestine, soit mourir. Il rassembla donc son courage et demanda : “ Qu'essayes-tu exactement d'enseigner au peuple ? Que prétends-tu être ? ” Jésus répondit : “ Tu sais fort bien que j'ai parlé ouvertement au monde. J'ai enseigné dans les synagogues et bien des fois dans le temple, où tous les Juifs et beaucoup de Gentils m'ont entendu. Je n'ai rien dit en secret. Alors, pourquoi m'interroges-tu sur mon enseignement ? Pourquoi ne convoques-tu pas ceux qui m'ont entendu pour t'enquérir auprès d'eux ? Voici, tout Jérusalem a entendu ce que j'ai dit, même si toi-même tu n'as pas entendu ces enseignements. ” Avant qu'Annas ait pu répondre, l'intendant du palais, qui se trouvait à proximité, gifla Jésus en disant : “ Comment oses-tu répondre de la sorte au grand-prêtre ? ” Annas ne fit aucune réprimande à son intendant, mais Jésus se tourna vers lui et dit : “ Mon ami, si j'ai mal parlé, témoigne contre le mal; mais si j'ai dit la vérité, pourquoi alors me frappes-tu ? ”

Annas regrettait que son intendant eût giflé Jésus, mais il était trop orgueilleux pour prêter attention à l'affaire. Dans sa confusion, il alla dans une autre pièce et laissa Jésus seul pendant près d'une heure avec les serviteurs de sa maison et les gardes du temple.

Quand il revint, il s'approcha du Maitre et dit : “ Prétends-tu être le Messie, le libérateur d'Israël ? ” Jésus dit : “ Annas, tu me connais depuis le temps de ma jeunesse. Tu sais que je ne prétends être rien d'autre que ce que mon Père a prescrit, et que j'ai été envoyé vers tous les êtres humains, les Gentils aussi bien que les Juifs. ” Alors Annas dit : “ J'ai entendu dire que tu as prétendu être le Messie; est-ce vrai ? ” Jésus regarda Annas et se borna à répondre : “ Tu l'as dit. ”

À ce moment, des messagers arrivèrent du palais de Caïphe pour s'enquérir de l'heure à laquelle Jésus serait amené devant le tribunal du Sanhédrin. Or, le lever du jour approchait, et Annas pensa que le mieux était d'envoyer à Caïphe Jésus enchainé, sous la surveillance des gardes du temple. Lui-même ne tarda pas à les suivre.

Pierre dans la cour

Au moment où la troupe de gardes et de soldats s'approcha du palais d'Annas, Jean Zébédée marchait à côté du capitaine des soldats romains. Judas s'était laissé distancer quelque peu, et Simon Pierre suivait de très loin. Après que Jean fut entré dans la cour du palais avec Jésus et les gardes, Judas arriva à la grille, mais, apercevant Jésus et Jean, il se dirigea vers la maison de Caïphe, où il savait que le vrai jugement du Maitre aurait lieu plus tard. Peu après que Judas fut parti, Simon Pierre arriva. Tandis qu'il se tenait devant la grille, Jean le vit juste au moment où l'on allait faire entrer Jésus dans le palais. La gardienne chargée d'ouvrir la grille connaissait Jean et, lorsqu'il lui demanda de laisser entrer Pierre, elle y consentit avec plaisir.

En entrant dans la cour, Pierre se dirigea vers le feu de charbon de bois et chercha à se réchauffer, car la nuit était très fraiche. Il se sentait fort déplacé ici, parmi les ennemis de Jésus, et en vérité il n'était pas à sa place. Le Maitre ne lui avait pas ordonné de rester à proximité comme il l'avait recommandé à Jean. Pierre faisait partie du groupe des apôtres qui avaient été expressément avertis de ne pas risquer leur vie pendant le jugement et la crucifixion de leur Maitre.

Pierre s'était débarrassé de son épée peu avant d'arriver à la grille du palais, de sorte qu'il entra sans armes dans la cour d'Annas. Son mental n'était qu'un tourbillon confus; il avait peine à concevoir que Jésus avait été arrêté. Il n'arrivait pas à saisir la réalité de la situation – le fait qu'il était là, dans la cour d'Annas, en train de se réchauffer auprès des serviteurs du grand-prêtre. Il se demandait ce que faisaient les autres apôtres. En essayant de comprendre comment Jean avait pu être admis au palais, il arriva à la conclusion que les serviteurs le connaissaient, puisque Jean avait demandé à la gardienne de la grille de le laisser entrer.

Peu après que la gardienne eut laissé entrer Pierre, et tandis qu'il se chauffait auprès du feu, elle alla vers lui et lui demanda malicieusement : “ N'es-tu pas aussi l'un des disciples de cet être humain ? ” Or, Pierre n'aurait pas dû être surpris d'être ainsi reconnu, car c'était Jean qui avait demandé à la femme de lui laisser franchir la grille du palais; mais il était dans un tel état de tension nerveuse que son identification comme disciple rompit son équilibre. Avec une seule idée dominant sa pensée – celle d'échapper vivant – il répondit promptement à la question de la servante : “ Je ne le suis pas. ”

Bientôt une autre servante s'approcha de Pierre et lui demanda : “ Ne t'ai-je pas vu dans le jardin au moment où l'on arrêtait cet être humain ? N'es-tu pas aussi l'un de ses disciples ? ” Pierre fut alors extrêmement effrayé; il ne voyait pas le moyen d'échapper sain et sauf à ses accusateurs. Il nia donc avec véhémence toute connexion avec Jésus en disant : “ Je ne connais pas cet homme et je ne suis pas non plus l'un de ses disciples. ”

Peu après, la gardienne de la grille tira Pierre de côté et dit : “ Je suis sûre que tu es un disciple de ce Jésus, non seulement parce que l'un de ses partisans m'a demandé de te laisser entrer dans la cour, mais parce que ma soeur t'a vu dans le temple avec cet être humain. Pourquoi nies-tu cela ? ” Lorsque Pierre entendit la servante l'accuser, il renia toute accointances avec Jésus, avec beaucoup de malédictions et de jurons, en répétant : “ Je ne suis pas un disciple de cet homme; je ne le connais même pas; je n'ai jamais entendu parler de lui auparavant. ”

Pierre quitta le coin du feu pendant un moment pour marcher dans la cour. Il aurait aimé s'enfuir, mais craignait d'attirer l'attention sur lui. Ayant froid, il retourna auprès du feu, et l'un des êtres humains qui se trouvaient là lui dit : “ Certainement tu es l'un des disciples de cet homme. Ce Jésus est un Galiléen, et ton langage te trahit, car tu parles aussi comme un Galiléen. ” Et de nouveau Pierre dénia tout rapport avec son Maitre.

Pierre était tellement troublé qu'il chercha à éviter le contact avec ses accusateurs en s'éloignant du feu et en restant seul sous le porche. Après plus d'une heure de cet isolement, la gardienne de la grille et sa soeur le rencontrèrent par hasard et toutes deux le taquinèrent encore en l'accusant d'être un disciple de Jésus. De nouveau, il nia l'accusation. Alors qu'il venait de renier une fois de plus tout rapport avec Jésus, le coq chanta, et Pierre se rappela les paroles d'avertissement que le Maitre lui avait adressées plus tôt, cette même nuit. Tandis qu'il se tenait là, le coeur lourd et accablé du sentiment de sa culpabilité, les portes du palais s'ouvrirent pour laisser sortir les gardes conduisant Jésus chez Caïphe. En passant près de Pierre, le Maitre vit, à la lumière des torches, l'aspect désespéré du visage de son apôtre auparavant présomptueux et au courage superficiel. Il tourna la tête et regarda Pierre. Tant que Pierre vécut, il n'oublia jamais ce regard. C'était un regard de pitié et d'amour confondus comme aucun mortel n'en avait jamais vu sur le visage du Maitre.

Après que Jésus et les gardes eurent franchi la grille du palais, Pierre les suivit, mais seulement sur une courte distance. Il ne put aller plus loin. Il s'assit sur le côté de la route et pleura amèrement; après avoir versé ces larmes d'angoisse, il reprit le chemin du camp, espérant y trouver son frère André. En arrivant au camp, il ne trouva que David Zébédée, qui le fit accompagner par un messager jusqu'à l'endroit où son frère s'était caché à Jérusalem.

Toute l'expérience de Pierre eut lieu dans la cour du Palais d'Annas sur le Mont Olivet. Il ne suivit pas Jésus au palais du grand-prêtre Caïphe. Le fait que Pierre ait été amené, par le chant d'un coq, à se rendre compte qu'il avait plusieurs fois renié son Maitre indique que tout ceci se passait hors de Jérusalem, car la loi interdisait de garder des volailles à l'intérieur de la ville proprement dite.

Jusqu'à ce que le chant du coq eût ramené Pierre au bon sens, il ne pensait qu'à une chose, en faisant les cent pas sous le porche pour se réchauffer, c'était à l'habileté avec laquelle il avait éludé les accusations des servantes et à la manière dont il avait contrecarré leur dessein de l'identifier comme partisan de Jésus. Pour l'instant, il avait seulement considéré que ces servantes n'avaient ni moralement ni légalement le droit de le questionner ainsi, et il se félicitait réellement de la manière dont il croyait avoir évité d'être identifié, et peut-être arrêté et emprisonné. Ce fut seulement lorsque le coq chanta que Pierre se rendit compte qu'il avait renié son Maitre. Ce fut seulement lorsque Jésus le regarda qu'il réalisa n'être pas demeuré à la hauteur de ses privilèges en tant qu'ambassadeur du royaume.

Après avoir fait le premier pas dans le sentier du compromis et de la moindre résistance, Pierre ne voyait pas d'autre solution que de poursuivre la ligne de conduite qu'il avait adoptée. Il faut un grand et noble caractère pour revenir sur ses pas et prendre le bon chemin après s'être engagé dans le mauvais. Bien trop souvent, notre propre mental tend à justifier la poursuite du sentier de l'erreur une fois que nous nous y sommes engagés.

Jusqu'au moment où il rencontra son Maitre après la résurrection et vit qu'il était accueilli exactement comme avant les expériences de la tragique nuit des reniements, Pierre ne crut jamais totalement qu'il pût être pardonné.

Devant le tribunal des sanhédristes

Il était environ trois heures et demie, ce vendredi matin, lorsque le grand-prêtre Caïphe réunit officiellement le tribunal d'enquête sanhédriste et demanda que Jésus fût amené devant eux pour être jugé dans les formes. En trois occasions antérieures, et à une large majorité de votants, le Sanhédrin avait décrété sa mort; il avait décidé que Jésus méritait la mort d'après des témoignages officieux l'accusant d'avoir violé la loi, blasphémé et tourné en dérision les traditions des Pères d'Israël.

Cette réunion du Sanhédrin n'avait pas été convoquée régulièrement et n'eut pas lieu à l'endroit habituel, la salle en pierre de taille du temple. Il s'agissait d'un tribunal spécial composé d'une trentaine de sanhédristes, qui furent convoqués au palais du grand-prêtre. Jean Zébédée était présent avec Jésus durant tout ce prétendu jugement.

Combien ces chefs des prêtres, scribes et sadducéens, ainsi que certains pharisiens, se flattaient de détenir maintenant avec sécurité ce Jésus qui troublait leur situation et défiait leur autorité ! Ils étaient décidés à ne pas le laisser échapper vivant de leurs griffes vindicatives.

Ordinairement, quand les Juifs jugeaient quelqu'un pour une offense capitale, ils procédaient avec une grande prudence et fournissaient toutes les garanties d'équité dans le choix des témoins et dans toute la conduite du jugement. Mais, en cette occasion, Caïphe était plus un procureur qu'un juge impartial.

Jésus apparut devant ce tribunal vêtu de ses vêtements habituels et les mains liées derrière le dos. Toute la cour fut impressionnée et quelque peu troublée par son apparence majestueuse. Jamais ils n'avaient considéré un tel prisonnier ni été témoins d'une pareille maitrise de soi chez un prévenu dont la vie était en jeu.

La loi juive exigeait que deux témoins au moins fussent d'accord sur un point quelconque avant qu'une accusation puisse être portée contre un prisonnier. Judas ne pouvait servir de témoin contre Jésus, parce que la loi juive interdisait expressément le témoignage d'un traitre. Plus d'une vingtaine de faux témoins étaient là, tout prêts à témoigner contre Jésus, mais leurs témoignages étaient si contradictoires et si évidemment inventés que les sanhédristes eux-mêmes éprouvaient grand-honte du spectacle. Jésus se tenait là, regardant ces parjures avec mansuétude; la seule expression de son visage déconcertait les témoins menteurs. Durant tous ces faux témoignages, le Maitre ne prononça jamais une parole; il ne répliqua rien à leurs nombreuses et fausses accusations.

La première fois que deux témoins approchèrent d'un semblant d'accord fut le moment où deux êtres humains témoignèrent qu'ils avaient entendu Jésus dire, dans un de ses discours au temple, qu'il “ détruirait ce temple fait de main d'homme et qu'en trois jours, il en rebâtirait un autre non fait de main d'être humain ”. Ce n'était pas exactement ce que Jésus avait dit, indépendamment du fait qu'il avait désigné son propre corps en faisant la remarque citée.

Bien que le grand-prêtre eût crié à Jésus : “ Ne réponds-tu rien à aucune de ces accusations ? ”, Jésus n'ouvrit pas la bouche. Il se tint là en silence pendant que tous ces faux témoins apportaient leur témoignage. La haine, le fanatisme et les exagérations sans scrupule caractérisaient tellement les paroles de ces parjures que leurs témoignages se prenaient dans leurs propres filets. La meilleure réfutation de leurs fausses accusations était le calme et majestueux silence du Maitre.

Peu après le commencement du témoignage des faux témoins, Annas arrivait et prenait un siège à côté de Caïphe. Annas se leva alors pour soutenir que la menace de Jésus de détruire le temple était suffisante pour justifier trois chefs d'accusation contre lui :
  • Qu'il fourvoyait dangereusement les gens du peuple. Qu'il leur enseignait des choses impossibles et qu'il les trompait encore autrement.
  • Qu'il était un révolutionnaire fanatique, en ce sens qu'il recommandait la violence contre le temple sacré, car comment pourrait-il le détruire autrement ?
  • Qu'il enseignait la magie, en ce sens qu'il promettait de construire un nouveau temple sans l'aide des mains.

  • Déjà, tous les sanhédristes étaient d'accord pour reconnaître Jésus comme coupable d'infractions que la loi juive punissait de mort, mais ils se préoccupaient maintenant davantage d'établir, au sujet de sa conduite et de ses enseignements, des accusations qui permettraient à Pilate de prononcer à juste titre la sentence de mort contre leur prisonnier. Ils savaient qu'ils devaient obtenir le consentement du gouverneur romain avant de pouvoir mettre légalement Jésus à mort. Annas penchait pour la méthode consistant à faire apparaître que Jésus était un éducateur trop dangereux pour être laissé en liberté parmi la population.

    Mais Caïphe ne put supporter plus longtemps la vue du Maitre se tenant là avec un sang-froid parfait et dans un constant silence. Il pensa qu'il connaissait au moins une manière d'inciter le prisonnier à parler. En conséquence, il se précipita vers Jésus, agita devant le visage du Maitre un doigt accusateur et lui dit : “ Au nom de Dieu vivant, je t'adjure de nous dire si tu es le Libérateur, le Fils de Dieu. ” Jésus répondit à Caïphe : “ Je le suis et j'irai bientôt vers le Père; bientôt le Fils de l'Homme sera revêtu de pouvoir et règnera de nouveau sur les armées célestes. ”

    Quand le grand-prêtre entendit Jésus prononcer ces mots, il entra dans une colère extrême, déchira ses vêtements et s'écria : “ Qu'avons-nous besoin de nouveaux témoins ? Voici, vous avez maintenant tous entendu le blasphème de cet être humain. Que pensez-vous qu'il faille faire de ce violateur de la loi et de ce blasphémateur ? ” Et ils répondirent tous à l'unisson : “ Il mérite la mort. Qu'il soit crucifié. ”

    Jésus n'avait manifesté aucun intérêt aux questions qui lui furent posées devant Annas et les sanhédristes, sauf à celle qui concernait sa mission d'effusion. Quand on lui demanda s'il était le Fils de Dieu, il répondit instantanément et sans équivoque par l'affirmative.

    Annas aurait voulu que le procès soit poursuivi et que des accusations de nature définie concernant les rapports de Jésus avec la loi romaine et les institutions romaines soient formulées pour être présentées ensuite à Pilate. Les conseillers étaient désireux de terminer rapidement cette affaire, non seulement parce que c'était le jour de la préparation de la Pâque et que nul travail non religieux ne devait être exécuté passé midi, mais aussi parce qu'ils craignaient qu'à tout moment Pilate ne retourne à Césarée, capitale romaine de la Judée, car il était venu à Jérusalem seulement pour la célébration de la Pâque.

    Mais Annas ne réussit pas à garder le contrôle de la cour. Après la réponse inattendue de Jésus, Caïphe le grand-prêtre s'avança et le gifla. Annas fut vraiment choqué de voir les autres membres de la Cour cracher au visage de Jésus en sortant de la salle; beaucoup d'entre eux le frappèrent de la paume de la main en se moquant de lui. C'est ainsi que la première session du jugement de Jésus par les sanhédristes prit fin, à quatre heures et demie du matin, dans le désordre et dans une confusion inouïe.

    Trente faux juges remplis de préjugés, aveuglés par la tradition et accompagnés de leurs faux témoins ont la prétention de juger le juste Créateur d'un univers. Et ces accusateurs passionnés sont exaspérés par le silence majestueux et la prestance superbe de ce Dieu-être humain. Son silence est terrible à supporter; sa parole est un défi intrépide. Il reste impassible devant leurs menaces et n'est nullement intimidé par leurs attaques. L'être humain juge Dieu, mais même alors Dieu les aime et les sauverait s'il le pouvait.

    L'heure de l'humiliation

    Quand il s'agissait de prononcer une condamnation à mort, la loi juive exigeait que la cour siégeât deux fois. La seconde session devait être tenue le lendemain de la première, et les membres du tribunal devaient passer l'intervalle dans le jeûne et le deuil. Mais ces êtres humains ne purent attendre le lendemain pour confirmer leur décision condamnant Jésus à mort. Ils n'attendirent qu'une heure. Entretemps, ils laissèrent Jésus dans la salle d'audience sous la surveillance des gardes du temple. Ceux-ci, avec les serviteurs du grand-prêtre, s'amusèrent à accumuler toutes sortes d'indignités sur le Fils de l'Homme. Ils se moquèrent de lui, crachèrent sur lui et le giflèrent cruellement. Certains frappaient son visage d'une verge et disaient ensuite : “ Prophétise, toi le Libérateur, et dis-nous qui t'a frappé. ” Ils continuèrent ainsi pendant une heure entière, insultant et maltraitant cet être humain de Galilée qui ne résistait pas.

    Durant cette heure tragique de souffrances et de simulacre de procès devant les gardes et serviteurs ignorants et insensibles, Jean Zébédée terrifié attendait seul dans une salle adjacente. Lorsque ces sévices commencèrent, Jésus fit un signe de tête à Jean pour lui notifier qu'il devait se retirer. Le Maitre savait bien que, s'il permettait à son apôtre de rester dans la pièce pour assister à ces indignités, Jean en éprouverait un tel ressentiment qu'il se livrerait à un éclat de protestation indignée qui s'achèverait probablement par sa mort.

    Durant cette heure affreuse, Jésus ne prononça pas un mot. Pour cette âme humaine douce et sensible, unie, par relation de personnalité, au Dieu de tout cet univers, il n'y eut pas de moment plus amer dans sa coupe d'humiliation que cette heure terrible où il resta à la merci de ces gardes et serviteurs ignorants et cruels qui avaient été incités à le maltraiter par l'exemple de ce prétendu tribunal du Sanhédrin.

    Il est impossible à un coeur humain de concevoir le frisson d'indignation qui parcourut tout un vaste univers, tandis que les intelligences célestes assistaient au spectacle de leur bien-aimé souverain se soumettant à la volonté de ses propres créatures ignorantes et dévoyées sur l'infortunée sphère Terre assombrie par le péché.

    Quelle est donc cette caractéristique animale dans l'être humain qui le conduit à vouloir insulter et attaquer physiquement ce qu'il ne peut ni atteindre spirituellement ni accomplir intellectuellement ? Chez l'être humain à demi-civilisé sommeille encore une brutalité méchante qui cherche à se donner libre cours sur ceux qui lui sont supérieurs en sagesse et en aboutissement spirituel. Voyez la grossièreté mauvaise et la brutale férocité de ces êtres humains soi-disant civilisés tirant une certaine forme de plaisir animal à attaquer physiquement le Fils de l'Homme qui ne résistait pas. Tandis que les insultes, les sarcasmes et les coups pleuvaient sur Jésus, il ne se défendait pas, mais il n'était pas sans défense. Jésus n'était pas vaincu; il se bornait à ne pas lutter au sens matériel.

    Ce sont les moments des plus grandes victoires du Maitre dans sa longue carrière mouvementée de créateur, soutien et sauveur d'un vaste univers. Après avoir vécu dans sa plénitude une vie révélant Dieu aux êtres humains, Jésus est maintenant en train de révéler l'être humain à Dieu d'une manière nouvelle et inouïe. Il révèle maintenant aux mondes la victoire finale sur toutes les craintes d'isolement de la personnalité ressenties par la créature. Le Fils de l'Homme est finalement parvenu à la réalisation de son identité en tant que Fils de Dieu. Jésus n'hésite pas à affirmer que lui et le Père ne font qu'un. Se basant sur le fait et la vérité de cette expérience suprême et céleste, il exhorte tout croyant au royaume de ne faire qu'un avec lui, de même que lui et son Père ne font qu'un. L'expérience vivante dans la religion de Jésus devient ainsi la technique sûre et certaine par laquelle les mortels terrestres, spirituellement isolés et cosmiquement solitaires, peuvent échapper à l'isolement de la personnalité avec toute sa séquelle de peurs et de sentiments d'impuissance associés. Dans les réalités fraternelles du royaume des cieux, les fils et les filles de Dieu par la foi trouvent définitivement la délivrance de l'isolement du moi, tant personnel que planétaire. Le croyant qui connaît Dieu éprouve de plus en plus l'extase et la grandeur de la socialisation spirituelle à l'échelle de l'univers – la citoyenneté céleste associée à la réalisation éternelle de la destinée divine consistant à atteindre la perfection.

    La seconde session du tribunal

    À cinq heures et demie du matin, le tribunal se réunit de nouveau, et Jésus fut conduit dans la salle adjacente où Jean attendait. Là, le soldat romain et les gardes du temple surveillèrent Jésus pendant que le tribunal commençait à formuler les accusations qui devaient être présentées à Pilate. Annas fit comprendre clairement à ses associés que l'accusation de blasphème n'aurait aucun poids auprès de Pilate. Judas assista à cette seconde réunion du tribunal, mais ne donna pas de témoignage.

    Cette session de la cour ne dura qu'une demi-heure; lorsque les sanhédristes l'ajournèrent pour se présenter devant Pilate, ils avaient rédigé l'accusation de Jésus en estimant qu'il méritait la mort pour trois raisons :
    • Il pervertissait la nation juive; il trompait le peuple et l'incitait à la rébellion.
    • Il enseignait au peuple à refuser le paiement du tribut à César.
    • En prétendant qu'il était un roi et le fondateur d'une nouvelle sorte de royaume, il incitait à la trahison contre l'empereur.
    Toute cette procédure était irrégulière et entièrement contraire aux lois juives. Il n'y avait pas eu deux témoins d'accord sur une question quelconque, sauf les deux qui avaient témoigné au sujet de l'affirmation de Jésus qu'il détruirait le temple et le rebâtirait en trois jours. Même sur ce point, aucun témoin n'avait été appelé en faveur de la défense, et l'on n'avait pas non plus demandé à Jésus d'expliquer ce qu'il avait voulu dire

    Le seul point sur lequel la cour aurait pu le juger logiquement était celui du blasphème, et le jugement aurait reposé sur le seul témoignage de l'accusé. Même au sujet du blasphème, les sanhédristes avaient omis de procéder au vote officiel sur la peine de mort.

    Maintenant, pour se présenter devant Pilate, ils prétendaient formuler trois accusations au sujet desquelles aucun témoin n'avait été entendu et sur lesquelles ils s'étaient mis d'accord en l'absence du détenu. Quand ce fut fait, trois des pharisiens se retirèrent; ils voulaient bien voir tuer Jésus, mais ne voulaient pas formuler d'accusations contre lui sans témoins, ni en son absence.

    Jésus ne comparut plus devant le tribunal des sanhédristes. Ceux-ci ne voulaient pas revoir son visage pendant qu'ils siégeaient pour condamner sa vie innocente. Jésus ne connut pas (en tant qu'homme) leurs accusations officielles avant le moment où il les entendit énoncer par Pilate.

    Pendant que Jésus était dans la salle avec Jean et les gardes, et que le tribunal tenait sa seconde session, quelques femmes proches du palais du grand-prêtre vinrent avec leurs amies regarder l'étrange prisonnier, et l'une d'elles lui demanda : “ Es-tu le Messie, le Fils de Dieu ? ” Et Jésus répondit : “ Si je te le dis, tu ne me croiras pas, et, si je te le demande, tu ne répondras pas. ”

    À six heures ce matin-là, on emmena Jésus de la maison de Caïphe pour le faire comparaître devant Pilate et voir confirmer la condamnation à mort que le tribunal sanhédriste avait si injustement et si irrégulièrement prononcée.

    LE JUGEMENT DEVANT PILATE

    Ce vendredi 7 avril de l'an 30, peu après six heures du matin, Jésus fut amené devant Pilate, le procurateur romain qui gouvernait la Judée, la Samarie et l'Idumée sous la supervision immédiate du légat de Syrie. Les gardes du temple amenèrent le Maitre lié en présence du gouverneur romain. Il était escorté d'une cinquantaine de ses accusateurs, y compris les sanhédristes du tribunal (principalement des sadducéens), de Judas Iscariot, du grand-prêtre Caïphe et de l'apôtre Jean. Annas ne se présenta pas devant Pilate.

    Pilate était levé et prêt à recevoir ces visiteurs très matinaux. Les êtres humains qui, la veille au soir, avaient obtenu son consentement pour employer les soldats romains à l'arrestation de Jésus, avaient prévenu Pilate que l'on amènerait Jésus de bonne heure devant lui. Des dispositions avaient été prises pour que la séance de jugement se passe devant la façade du prétoire, bâtiment ajouté à la forteresse d'Antonia où Pilate et sa femme établissaient leur quartier général quand ils s'arrêtaient à Jérusalem.

    Pilate procéda à une grande partie de l'interrogatoire de Jésus à l'intérieur des salles du prétoire, mais le jugement public eut lieu au dehors, sur les marches de l'escalier montant vers l'entrée principale. C'était une concession faite aux Juifs, qui refusaient d'entrer dans la maison d'un Gentil où l'on avait peut-être employé du levain en ce jour de la préparation de la Pâque. S'ils y avaient pénétré, non seulement cela les aurait rendus cérémoniellement impurs, donc exclus de toute participation à la célébration d'actions de grâces de l'après-midi, mais aussi il aurait fallu qu'ils se soumettent aux cérémonies de purification après le coucher du soleil pour être admis à partager le souper de la Pâque.

    Bien que ces Juifs n'aient nullement eu la conscience troublée alors qu'ils intriguaient pour assassiner Jésus légalement, ils n'en étaient pas moins scrupuleux en ce qui concernait toutes ces questions de pureté cérémonielle et de régularité traditionnelle. Et ces Juifs n'ont pas été les seuls à ne pas reconnaître leurs hautes et saintes obligations de nature divine, tout en accordant une attention méticuleuse à des choses de peu d'importance pour le bien-être humain aussi bien dans le temps que dans l'éternité.

    Ponce Pilate

    Si Ponce Pilate n'avait pas été un gouverneur acceptable des provinces mineures, Tibère n'aurait guère supporté qu'il restât procurateur de Judée pendant dix ans. Bien que Pilate fût un assez bon administrateur, moralement c'était un lâche. Il n'avait pas l'envergure voulue pour comprendre la nature de sa tâche en tant que gouverneur des Juifs. Il ne comprit pas le fait que ces Hébreux avaient une religion réelle, une foi pour laquelle ils étaient prêts à mourir, et que des millions et des millions d'entre eux, éparpillés çà et là dans l'empire, considéraient Jérusalem comme le haut lieu de leur foi et respectaient le Sanhédrin comme le plus haut tribunal de la Terre.

    Pilate n'aimait pas les Juifs, et sa haine profonde commença de bonne heure à se manifester. De toutes les provinces romaines, nulle n'était plus difficile à gouverner que la Judée. Pilate ne comprit jamais véritablement les problèmes soulevés par l'administration des Juifs; c'est pourquoi, dès le début de son expérience de gouverneur, il fit une série de bévues presque fatales équivalant pratiquement à un suicide. Ce furent ces bévues qui donnèrent aux Juifs un si grand pouvoir sur lui. Quand ils voulaient influencer ses décisions, il leur suffisait de le menacer d'un soulèvement, et Pilate capitulait rapidement. Ce flottement apparent, ou manque de courage moral du procurateur, provenait principalement du souvenir d'un certain nombre de controverses avec les Juifs où, dans chaque cas, il avait eu le dessous. Les Juifs savaient que Pilate avait peur d'eux et craignait pour sa situation vis-à-vis de Tibère; et ils employèrent cette connaissance au grand préjudice du gouverneur en de nombreuses occasions.

    La défaveur de Pilate auprès des Juifs résultait de plusieurs rencontres malheureuses. D'abord, il n'avait pas pris au sérieux leur préjugé profondément enraciné contre toutes les images, considérées comme symbole d'idolâtrie. Il permit donc à ses soldats d'entrer dans Jérusalem sans enlever les effigies de César de leurs étendards comme les soldats romains avaient l'habitude de le faire sous son prédécesseur. Une nombreuse députation des Juifs attendit Pilate pendant cinq jours, l'implorant de faire enlever ces effigies des bannières militaires. Il refusa net de faire droit à leur demande et les menaça de mort immédiate. Étant lui-même un sceptique, Pilate ne comprenait pas que des êtres humains ayant de puissants sentiments religieux n'hésitent pas à mourir pour leurs convictions religieuses. Il fut donc consterné quand ces Juifs se réunirent devant son palais en un geste de défi, inclinèrent leurs visages jusqu'à Terre et lui notifièrent qu'ils étaient prêts à mourir. Pilate réalisa alors qu'il avait fait une menace qu'il n'avait pas la volonté de mettre à exécution. Il céda et ordonna que les effigies fussent enlevées des drapeaux de ses soldats à Jérusalem. Depuis ce jour-là, il fut dans une large mesure soumis aux caprices des dirigeants juifs, qui avaient ainsi découvert sa faiblesse consistant à faire des menaces qu'il n'osait mettre à exécution.

    Pilate décida ultérieurement de regagner son prestige et, en conséquence, il fit apposer sur les murs du palais d'Hérode, à Jérusalem, les écussons de l'empereur tels qu'on les employait généralement pour adorer César. Lorsque les Juifs protestèrent, il fut intraitable. Lorsqu'il refusa de prêter attention à leurs protestations, les Juifs interjetèrent promptement appel à Rome, et l'empereur ordonna tout aussi promptement que les écussons offensants fussent enlevés. Ensuite, Pilate fut tenu en piètre estime encore plus que précédemment.

    Une autre chose lui valut une grande défaveur auprès des Juifs : il osa prendre de l'argent dans le trésor du temple pour construire un aqueduc en vue de fournir plus d'eau aux millions de visiteurs de Jérusalem à l'époque des grandes fêtes religieuses. Les Juifs estimaient que seul le Sanhédrin pouvait disposer des fonds du temple; ils ne cessèrent jamais d'invectiver Pilate au sujet de cette ordonnance jugée abusive. Sa décision provoqua au moins une vingtaine d'émeutes et fit verser beaucoup de sang. Le dernier de ces graves soulèvements se rapportait au massacre jusqu'au pied de l'autel d'un nombreux groupe de Galiléens pendant l'exercice de leur culte.

    Il est significatif de constater que d'une part ce chef romain hésitant sacrifia Jésus par peur des Juifs et pour sauvegarder sa situation personnelle, et que d'autre part il fut finalement révoqué pour avoir inutilement massacré des Samaritains à propos d'un faux Messie qui conduisit des troupes au mont Garizim, où il prétendait que les vases du temple avaient été enterrées; de féroces émeutes éclatèrent quand celui-ci ne réussit pas à révéler la cachette des vases sacrées comme il l'avait promis. À la suite de cet épisode, le légat de Syrie ordonna à Pilate de se rendre à Rome. Tibère mourut pendant que Pilate était en route pour Rome, et le mandat de Pilate comme procurateur de la Judée ne fut pas renouvelé. Il ne se remit jamais complètement de la regrettable décision par laquelle il consentit à la crucifixion de Jésus. Ne trouvant pas faveur aux yeux du nouvel empereur, il se retira dans la province de Lousonna (actuellement Lausanne en Suisse), où il finit par se suicider.

    Claudia Procula, la femme de Pilate, avait beaucoup entendu parler de Jésus par sa camériste, qui était une Phénicienne croyant à l'évangile du royaume. Après la mort de Pilate, Claudia joua un rôle important dans la diffusion de la bonne nouvelle.

    Et tout ceci explique une grande partie des évènements de ce tragique vendredi matin. Il est facile de comprendre pourquoi les Juifs se permirent d'imposer leur volonté à Pilate – le faisant lever à six heures du matin pour juger Jésus – et aussi pourquoi ils n'hésitèrent pas à le menacer de l'accuser de trahison devant l'empereur s'il avait l'audace de refuser leur demande de mettre Jésus à mort.

    Un gouverneur romain digne de ce nom, et qui n'aurait pas été malencontreusement impliqué dans les affaires des dirigeants juifs, n'aurait jamais permis à ces fanatiques religieux assoiffés de sang de faire mourir un être humain que lui-même avait déclaré sans faute et innocent des fausses accusations portées contre lui. Rome fit une grande bévue, une erreur aux conséquences profondes sur les affaires terrestres, lorsqu'elle envoya ce médiocre Pilate gouverner la Palestine. Tibère aurait été mieux avisé d'envoyer aux Juifs le meilleur administrateur provincial de l'empire.

    Jésus comparaît devant Pilate

    Lorsque Jésus et ses accusateurs furent réunis devant la salle du tribunal de Pilate, le gouverneur romain sortit sur le perron et demanda en s'adressant à la compagnie assemblée : “ Quelles accusations portez-vous contre cet être humain ? ” Les sadducéens et les conseillers qui avaient pris sur eux de se débarrasser de Jésus avaient décidé de se présenter devant Pilate pour demander confirmation de la sentence de mort prononcée contre Jésus, mais sans vouloir porter d'accusations précises. C'est pourquoi le porte-parole du tribunal sanhédrin répondit à Pilate : “ Si cet être humain n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré. ”

    Lorsque Pilate remarqua qu'ils répugnaient à formuler leurs accusations contre Jésus, bien qu'il sût qu'ils avaient passé toute la nuit à délibérer sur sa culpabilité, il leur répondit : “ Puisque vous n'êtes pas d'accord sur des accusations précises, pourquoi n'emmenez-vous pas cet être humain pour le juger conformément à vos propres lois ? ”

    Alors le greffier du tribunal du Sanhédrin dit à Pilate : “ Nous n'avons pas le droit de mettre un être humain à mort, et ce perturbateur de notre nation mérite la mort pour tout ce qu'il a dit et fait. Nous sommes donc venus devant toi pour que tu confirmes cette décision. ”

    Cette tentative d'échappatoire devant le gouverneur romain révèle à la fois la malveillance et la fureur des sanhédristes envers Jésus, ainsi que leur manque de respect pour l'équité, l'honneur et la dignité de Pilate. Quelle effronterie pour ces citoyens assujettis de comparaître devant le gouverneur de leur province en demandant un décret d'exécution contre un être humain avant d'avoir assuré à cet être humain un jugement équitable, et même sans porter contre lui des accusations précises de crime.

    Pilate connaissait quelque peu l'oeuvre de Jésus parmi les Juifs; il conjectura que les accusations susceptibles d'être portées contre lui concernaient des infractions aux lois ecclésiastiques juives, et chercha en conséquence à renvoyer Jésus devant leur propre tribunal. En outre, Pilate prit plaisir à leur faire confesser publiquement qu'ils étaient impuissants à prononcer et à exécuter une sentence de mort, même contre un membre de leur propre race qu'ils en étaient venus à mépriser avec une haine pleine d'amertume et d'envie.

    Quelques heures auparavant, peu avant minuit et après qu'il eut autorisé l'emploi des soldats romains pour arrêter secrètement Jésus, Pilate avait reçu des informations complémentaires sur Jésus et son enseignement, par le truchement de sa femme Claudia, qui était partiellement convertie au judaïsme et devint plus tard une croyante à part entière en l'évangile de Jésus.

    Pilate aurait aimé reporter l'audience, mais il vit que les dirigeants juifs étaient décidés à poursuivre l'affaire. Il savait que non seulement cette matinée était celle de la préparation à la Pâque, mais que le vendredi était aussi le jour de préparation au sabbat juif de repos et de culte.

    Pilate, étant extrêmement sensible à la manière désinvolte dont les Juifs l'avaient abordé, n'était pas enclin à faire droit à leurs exigences de condamner Jésus à mort sans jugement. Il attendit donc quelques moments pour leur laisser présenter leurs accusations contre le détenu, puis se tourna vers eux et dit : “ Je ne condamnerai pas cet être humain à mort sans jugement, et je ne consentirai pas non plus à l'interroger avant que vous ayez présenté par écrit vos accusations contre lui. ”

    Lorsque le grand-prêtre et les autres sanhédristes entendirent Pilate dire cela, ils firent signe au greffier de la cour, lequel remit à Pilate les accusations écrites suivantes contre Jésus, et ces accusations étaient :

    Le tribunal sanhédriste estime que cet être humain est un malfaiteur et un perturbateur de notre nation en ce sens qu'il est coupable :
    • De pervertir notre nation et d'exciter le peuple à la rébellion.
    • D'interdire aux gens de payer le tribut à César.
    • De se qualifier de roi des Juifs et d'enseigner la fondation d'un nouveau royaume.
    Jésus n'avait été ni jugé de manière régulière ni légalement condamné sur aucune de ces accusations. Il ne les avait même pas entendues au moment où elles furent formulées pour la première fois, mais Pilate le fit amener du prétoire où il se trouvait sous la surveillance des gardes et insista pour que ces accusations fussent répétées devant Jésus.

    Lorsque Jésus les entendit, il savait bien qu'il n'avait pas été interrogé sur ces sujets devant le tribunal juif. Jean Zébédée et les accusateurs le savaient tout aussi bien, mais Jésus ne répondit rien à ces fausses accusations. Même lorsque Pilate le pria de répondre à ses accusateurs, il n'ouvrit pas la bouche. Pilate fut si étonné de l'injustice de toute la procédure et si impressionné par le silence et la maitrise de Jésus qu'il décida d'emmener le prisonnier à l'intérieur de la salle et de l'interroger en privé.

    Le mental de Pilate était dans la confusion. Tout en craignant les Juifs au fond de lui-même, il était fortement ému dans son esprit par le spectacle de Jésus se tenant majestueusement devant ses accusateurs assoiffés de sang et les considérant, non avec un mépris silencieux, mais avec une expression de pitié sincère et d'affection attristée.

    L'interrogatoire en privé par Pilate

    Pilate emmena Jésus et Jean Zébédée dans une chambre privée, laissa les gardes dehors dans la grande salle, pria le prisonnier de s'assoir, s'assit lui-même à côté de lui et lui posa plusieurs questions. Pilate commença son entretien avec Jésus en l'assurant qu'il ne croyait pas à la première accusation, à savoir que Jésus pervertissait la nation et incitait à la rébellion. Puis il demanda : “ As-tu jamais enseigné qu'il fallait refuser le tribut à César ? ” Jésus montra Jean du doigt et dit : “ Demande-le à celui-là ou à toute autre personne qui a entendu mon enseignement. ” Pilate questionna alors Jean sur cette affaire du tribut, et Jean témoigna au sujet de l'enseignement de son Maitre et expliqua que Jésus et ses apôtres payaient des impôts à la fois à César et au trésor du temple. Lorsque Pilate eut fini d'interroger Jean, il lui dit : “ Veille à ne dire à personne que je t'ai parlé. ” Et Jean ne révéla jamais cet épisode.

    Pilate se retourna ensuite pour poser de nouvelles questions à Jésus en disant : “ Maintenant, au sujet de la troisième accusation contre toi, es-tu le roi des Juifs ? ” Du fait qu'il y avait dans la voix de Pilate un ton d'enquête peut être sincère, Jésus sourit au procurateur et lui dit : “ Pilate, poses-tu cette question de toi-même, ou l'as-tu prise chez mes accusateurs ? ” Sur quoi, le gouverneur répondit d'un ton partiellement indigné : “ Suis-je un Juif ? Ton propre peuple et les chefs des prêtres t'ont livré et m'ont demandé de te condamner à mort. Je mets en doute la validité de leurs accusations et j'essaye seulement de découvrir pour moi-même ce que tu as fait. Dis-le-moi, as-tu dit que tu es le roi des Juifs et as-tu cherché à fonder un nouveau royaume ? ”

    Jésus dit alors à Pilate : “ Ne perçois-tu pas que mon royaume n'est pas de ce monde ? S'il était de ce monde, mes disciples se battraient sûrement pour que je ne sois pas livré aux mains des Juifs. Ma présence ici, devant toi et dans ces liens, suffit pour montrer à tous les êtres humains que mon royaume est une domination spirituelle, la fraternité même des êtres humains qui sont devenus fils et filles de Dieu par la foi et par amour. Ce salut est offert aussi bien aux Gentils qu'aux Juifs. ”

    “ Alors, après tout, tu es un roi ? ” dit Pilate. Et Jésus répondit : “ Oui, je suis un roi de ce genre, et mon royaume est la famille de ceux qui, par la foi, sont fils de mon Père qui est aux cieux. Je suis né à dessein dans ce monde pour révéler mon Père à tous les êtres humains et témoigner de la vérité de Dieu. Même maintenant, je te déclare que quiconque aime la vérité entend ma voix. ”

    Alors, Pilate dit à moitié ironiquement et à moitié sincèrement : “ La vérité, qu'est-ce que la vérité ? – qui la connaît ? ”

    Pilate n'était capable ni de sonder la profondeur des paroles de Jésus ni de comprendre la nature de son royaume spirituel, mais il était désormais certain que le prisonnier n'avait rien fait qui méritât la mort. Un seul regard jeté sur Jésus face à face suffisait pour convaincre même Pilate que cet être humain débonnaire et fatigué, mais intègre et majestueux, n'était pas un sauvage et dangereux révolutionnaire aspirant à s'établir sur le trône temporel d'Israël. Pilate croyait comprendre quelque chose de ce que Jésus avait voulu dire en se qualifiant de roi, car il connaissait les enseignements des stoïciens qui proclamaient que “ l'être humain sage est un roi ”. Pilate fut entièrement convaincu qu'au lieu d'être un dangereux fauteur de sédition, Jésus n'était ni plus ni moins qu'un visionnaire inoffensif, un fanatique innocent.

    Après avoir interrogé le Maitre, Pilate retourna vers les chefs des prêtres et les accusateurs de Jésus et leur dit : “ J'ai interrogé cet homme et je ne trouve aucune faute en lui. Je ne crois pas qu'il soit coupable des accusations que vous avez formulées contre lui. Je pense qu'il devrait être libéré. ” Lorsque les Juifs entendirent cela, ils furent saisis d'une grande fureur, au point de crier sauvagement que Jésus devait mourir. L'un des sanhédristes monta audacieusement à côté de Pilate en disant : “ Cet être humain excite le peuple, en commençant par la Galilée et en continuant dans toute la Judée. Il est un fauteur de désordre et un malfaiteur. Si tu remets cet être humain mauvais en liberté, tu le regretteras longtemps. ”

    Pilate était aux abois, il ne savait que faire de Jésus, aussi, lorsqu'il entendit les Juifs dire que Jésus avait commencé son travail en Galilée, il pensa éviter la responsabilité de trancher le cas, ou tout au moins gagner du temps pour réfléchir, en envoyant Jésus comparaître devant Hérode, qui se trouvait alors à Jérusalem pour assister à la Pâque. Pilate crut aussi que ce geste servirait d'antidote à la rancoeur qui avait existé depuis quelque temps entre lui et Hérode par suite de nombreux malentendus sur des questions de juridiction.

    Pilate appela les gardes et leur dit : “ Cet être humain est un Galiléen. Conduisez-le immédiatement devant Hérode et, quand Hérode l'aura interrogé, venez me rapporter ses conclusions. ” Et les gardes conduisirent Jésus devant Hérode.

    Jésus devant Hérode

    Quand Hérode Antipas s'arrêtait à Jérusalem, il habitait l'ancien palais macchabéen d'Hérode le Grand. C'est à cette résidence de l'ancien roi que Jésus fut donc amené par les gardes du temple, suivis de ses accusateurs et d'une foule toujours croissante. Hérode avait depuis longtemps entendu parler de Jésus et il était fort curieux de le connaître. Lorsque le Fils de l'Homme se tint devant lui ce vendredi matin, le pervers Iduméen ne se souvint pas un instant du garçon d'autrefois qui était venu le voir à Sepphoris en demandant justice au sujet de l'argent dû à son père, qui avait été tué accidentellement pendant qu'il travaillait à l'un des édifices publics. Autant qu'Hérode pouvait se le rappeler, il n'avait jamais vu Jésus, bien qu'il se fût fait beaucoup de soucis à son sujet à l'époque où l'activité du Maitre était concentrée en Galilée. Maintenant que Jésus était détenu par Pilate et les Judéens, Hérode était désireux de le voir, car il se sentait garanti contre les nouveaux troubles que Jésus aurait pu fomenter à l'avenir. Hérode avait beaucoup entendu parler des miracles opérés par Jésus et il espérait réellement le voir accomplir quelque prodige.

    Lorsque les gardes amenèrent Jésus devant Hérode, le tétrarque fut saisi par son aspect imposant et la sérénité de son expression. Durant un quart d'heure, Hérode posa des questions à Jésus, mais le Maitre ne voulut pas répondre. Hérode lui fit des reproches ironiques et le défia d'accomplir un miracle, mais Jésus ne voulut ni répondre à ses nombreuses questions ni réagir à ses sarcasmes.

    Alors, Hérode se tourna vers les chefs des prêtres et sadducéens, et prêta l'oreille à leurs accusations. Il entendit tout ce qui avait été dit à Pilate, et plus encore, au sujet des prétendus méfaits du Fils de l'Homme. Convaincu finalement que Jésus ne voudrait ni parler ni accomplir un prodige pour lui, Hérode, après l'avoir tourné en dérision pendant quelque temps, le revêtit d'une ancienne robe royale de pourpre et le renvoya à Pilate. Hérode savait que sa juridiction ne s'étendait pas sur Jésus en Judée, bien qu'il fut heureux de penser qu'il serait finalement débarrassé de Jésus en Galilée, il était reconnaissant du fait que la responsabilité de le mettre à mort incombât à Pilate. Hérode ne s'était jamais complètement remis de la peur dont il souffrait comme une malédiction depuis qu'il avait fait exécuter Jean le Baptiste. À certains moments, Hérode avait même craint que Jésus ne soit Jean ressuscité d'entre les morts. Maintenant, il était dégagé de cette peur, car il observa que Jésus était une personne fort différente du fougueux prophète au franc parlé qui avait osé dévoiler et condamner sa vie privée.

    Jésus revient devant Pilate

    Quand les gardes eurent ramené Jésus à Pilate, ce dernier sortit sur les marches du prétoire où son siège de justice avait été placé, il appela les chefs des prêtres et les sanhédristes, et leur dit : “ Vous avez amené cet être humain devant moi en l'accusant de pervertir le peuple, d'interdire le paiement des impôts et de se prétendre le roi des Juifs. Je l'ai interrogé et je ne l'ai pas trouvé coupable de ces griefs. En fait, je ne trouve aucune faute en lui. Ensuite je l'ai envoyé à Hérode, et le tétrarque doit être arrivé aux mêmes conclusions, puisqu'il nous l'a renvoyé. Cet être humain n'a certainement rien commis qui mérite la mort. Si vous pensez toujours qu'il a besoin d'être discipliné, je suis disposé à lui infliger une correction avant de le relâcher. ”

    Au moment précis où les Juifs allaient crier leurs protestations contre la mise en liberté de Jésus, une foule nombreuse arriva au prétoire pour demander à Pilate de libérer un prisonnier en l'honneur de la fête de la Pâque. Depuis quelque temps, les gouverneurs romains avaient eu coutume de permettre à la populace de choisir un prisonnier ou un condamné destiné à être amnistié à l'époque de la Pâque. Maintenant que cette foule arrivait devant lui pour demander la délivrance d'un prisonnier, Jésus ayant été si récemment en grande faveur auprès des multitudes, Pilate eut l'idée qu'il pourrait peut-être se tirer de cette mauvaise affaire en proposant au groupe de relâcher cet être humain de Galilée comme gage de sa bonne volonté à l'occasion de la Pâque, puisqu'il était actuellement détenu devant son tribunal.

    Tandis que la foule s'amassait sur les marches du bâtiment, Pilate entendit des voix crier le nom d'un certain Barabbas. Barabbas était un agitateur politique notoire, voleur et assassin, fils d'un prêtre et avait été récemment arrêté en flagrant délit de rapine et de meurtre sur la route de Jéricho. Il avait été condamné à mort, et la sentence devait être exécutée aussitôt après les fêtes de la Pâque.

    Pilate se leva et expliqua à la foule que Jésus lui avait été amené par les chefs des prêtres qui demandaient sa mise à mort en formulant certaines accusations, mais qu'il ne croyait pas que cet être humain méritât la mort. Pilate dit : “ Alors, qui préférez-vous que je vous relâche, ce Barabbas, l'assassin, ou ce Jésus de Galilée ? ” Lorsque Pilate eut ainsi parlé, les chefs des prêtres et les conseillers du Sanhédrin crièrent tous de leur voix la plus perçante “ Barabbas, Barabbas ! ” Et, quand les gens assemblés virent que les chefs des prêtres voulaient que Jésus fût mis à mort, ils se joignirent rapidement aux clameurs réclamant son exécution tandis qu'ils vociféraient pour la libération de Barabbas.

    Quelques jours auparavant, la même foule avait observé Jésus avec une crainte respectueuse, mais elle n'avait plus de considération pour un être humain qui, après avoir prétendu être le Fils de Dieu, se trouvait maintenant prisonnier des principaux prêtres et dirigeants, et traduit en jugement devant Pilate avec le risque d'être condamné à mort. Jésus pouvait être un héros aux yeux de la populace quand il chassait du temple les changeurs et les marchands, mais non quand il était prisonnier sans résistance aux mains de ses ennemis, et quand sa vie était en jeu.

    Pilate fut irrité de voir les chefs des prêtres pousser des clameurs en faveur d'un assassin notoire et hurler pour obtenir le sang de Jésus. Il vit leur méchanceté et leur haine, et perçut leurs préjugés et leur jalousie. En conséquence, il leur dit : “ Comment pouvez-vous choisir la vie d'un assassin de préférence à celle de cet être humain dont le pire crime consiste à se qualifier symboliquement de roi des Juifs ? ” Ces paroles de Pilate manquaient de sagesse. Les Juifs étaient un peuple fier, alors soumis au joug politique romain, mais espérant la venue d'un Messie qui les délivrerait de la servitude des Gentils avec un grand déploiement de puissance et de gloire. À l'idée que cet instructeur aux manières douces, qui enseignait d'étranges doctrines et qui était maintenant arrêté et inculpé de crimes méritant la mort, pouvait être cité comme “ le roi des Juifs ”, ils éprouvèrent un ressentiment plus grand que Pilate ne pouvait l'imaginer. Ils prirent cette remarque comme une insulte envers tout ce qu'ils considéraient comme sacré et honorable dans leur existence nationale, et c'est pourquoi ils se déchainèrent en clameurs pour la relaxe de Barabbas et la mort de Jésus.

    Pilate savait que Jésus était innocent des accusations portées contre lui et, s'il avait été un juge intègre et courageux, il l'aurait acquitté et relaxé, mais il avait peur de défier ces Juifs irrités. Tandis qu'il hésitait à faire son devoir, un messager arriva et lui remit un message scellé de sa femme Claudia.

    Pilate signifia à son auditoire son désir de lire la communication qu'il venait de recevoir, avant de poursuivre l'examen de l'affaire en cours. Il ouvrit la lettre de sa femme et y lut : “ Je te supplie de ne participer en rien à la condamnation de l'être humain intègre et innocent que l'on appelle Jésus. J'ai beaucoup souffert en rêve cette nuit à cause de lui. ” Cette note venant de Claudia eut pour effet non seulement de bouleverser Pilate et de retarder ainsi le jugement de l'affaire, mais aussi de laisser aux dirigeants juifs un temps considérable pour circuler librement dans la foule. Ils en profitèrent pour inciter la populace à demander la libération de Barabbas et à réclamer à grands cris la crucifixion de Jésus.

    Finalement, Pilate s'attaqua une fois de plus à la solution du problème en demandant à l'assemblée mixte des dirigeants juifs et des gens demandant une amnistie : “ Que ferai-je de celui que l'on appelle le roi des Juifs ? ” Ils crièrent à l'unisson : “ Crucifie-le ! Crucifie-le ! ” L'unanimité de cette exigence de la part de cette foule bigarrée effraya et alarma Pilate, juge injuste et tenaillé par la peur.

    Il demanda une fois de plus : “ Pourquoi voulez-vous crucifier cet être humain ? Quel mal a-t-il fait ? Qui veut s'avancer pour témoigner contre lui ? ” Mais lorsqu'ils entendirent Pilate prendre la défense de Jésus, ils crièrent de plus belle : “ Crucifie-le ! Crucifie-le !”

    Alors, Pilate fit de nouveau appel à eux au sujet de la relaxe du prisonnier de la Pâque en disant : “ Je vous demande une fois de plus quel prisonnier je dois libérer à cette date où vous fêtez votre Pâque ? ” Et de nouveau la foule hurla : “ Donne-nous Barabbas !”

    Alors, Pilate dit : “ Si je relâche Barabbas, l'assassin, que vais-je faire de Jésus ? ” Et une fois de plus la foule hurla à l'unisson : “ Crucifie-le ! Crucifie-le !”

    Pilate fut terrorisé par les clameurs insistantes de la populace agissant sous les directives immédiates des chefs des prêtres et des conseillers du Sanhédrin; il décida néanmoins de faire encore au moins une tentative pour apaiser la foule et sauver Jésus.

    Le dernier appel de Pilate

    Seuls les ennemis de Jésus participent à tout ce qui se passe ce vendredi matin devant Pilate. Ses nombreux amis ou bien ignorent encore son arrestation nocturne et son jugement aux premières heures du matin, ou bien se cachent de peur d'être également appréhendés et condamnés à mort parce qu'ils croient aux enseignements de Jésus. Dans la multitude qui pousse maintenant des clameurs pour la mort de Jésus, on ne trouve que ses ennemis jurés et la populace irréfléchie facile à manoeuvrer.

    Pilate voulut faire un dernier appel à leur pitié. Ayant peur de défier les clameurs de cette foule égarée qui criait pour obtenir le sang de Jésus, il ordonna aux gardes juifs et aux soldats romains de prendre Jésus et de le flageller. C'était en soi une procédure injuste et illégale, car la loi romaine réservait uniquement la flagellation aux condamnés à mort par crucifixion. Les gardes emmenèrent Jésus pour ce supplice dans la cour ouverte du prétoire. Ses ennemis n'assistèrent pas à la flagellation, mais Pilate y assista. Avant que les flagellateurs en eussent fini avec ce flagrant abus, il leur ordonna de s'arrêter et fit signe qu'on lui amenât Jésus. Avant d'attacher Jésus au poteau de flagellation et de le frapper de leurs fouets à noeuds, ses bourreaux l'avaient de nouveau vêtu de la robe pourpre et avaient tressé une couronne d'épines qu'ils posèrent sur son front. Après avoir placé un roseau dans sa main comme simulacre d'un sceptre, ils s'agenouillèrent devant lui et se moquèrent de lui en disant : “ Salut, roi des Juifs ! ” Puis ils crachèrent sur lui et le souffletèrent. Avant de le rendre à Pilate, l'un d'eux lui prit le roseau des mains et lui en frappa la tête.

    Ensuite, Pilate conduisit le prisonnier saignant et lacéré devant la foule bigarrée et le présenta en disant : “ Voici l'être humain ! De nouveau je vous déclare que je ne le trouve coupable d'aucun crime et, après l'avoir flagellé, je voudrais le relaxer. ”

    Jésus de Nazareth se tenait là, vêtu d'une vieille robe pourpre royale et ceint d'une couronne d'épines qui perçait son front bienveillant. Son visage était souillé de sang et son corps plié de souffrance et de chagrin. Mais rien ne peut émouvoir le coeur insensible de ceux qui sont victimes d'une intense haine émotionnelle et esclaves de préjugés religieux. Ce spectacle engendra un profond frisson dans les royaumes d'un vaste univers, mais ne toucha pas le coeur de ceux qui avaient mentalement décidé d'exterminer Jésus.

    Quand ils se furent remis de leur premier choc à la vue du triste état du Maitre, ils ne firent que crier plus fort et plus longuement : “ Crucifie-le ! Crucifie-le ! Crucifie-le !”

    Maintenant, Pilate comprenait la futilité de faire appel à leurs hypothétiques sentiments de pitié. Il s'avança et dit : “ Je me rends compte que vous avez décidé la mort de cet être humain, mais qu'a-t-il fait pour mériter la mort ? Qui veut faire connaître son crime ? ”

    Alors le grand-prêtre lui-même s'avança, monta les marches vers Pilate et déclara avec irritation : “ Nous avons une loi sacrée d'après laquelle cet être humain doit mourir parce qu'il a lui-même proclamé qu'il était le Fils de Dieu. ” Lorsque Pilate entendit cela, il fut d'autant plus effrayé, non seulement par les Juifs, mais en se souvenant du message de sa femme et de la mythologie grecque où les dieux descendent sur Terre; il tremblait maintenant à l'idée que Jésus pouvait être un personnage divin. Il adressa un salut de la main à la foule pour la faire tenir tranquille, tandis qu'il prenait Jésus par le bras et le reconduisait à l'intérieur de l'édifice pour l'interroger encore une fois. Pilate était maintenant tenaillé par la peur, déconcerté par la superstition et épuisé par l'entêtement de la populace.

    Le dernier face à face avec Pilate

    Tandis que Pilate, tremblant de peur et d'émotion, s'asseyait à côté de Jésus, il lui demanda : “ D'où viens-tu ? Qui es-tu réellement ? Pourquoi disent-ils que tu es le Fils de Dieu ? ”

    Mais Jésus ne pouvait guère répondre à ces questions lorsqu'elles étaient posées par un juge hésitant, faible, craignant les êtres humains et qui avait été assez injuste pour le faire flageller même après avoir proclamé son entière innocence et avant d'avoir ratifié sa condamnation à mort. Jésus regarda Pilate droit dans les yeux, mais ne lui répondit pas. Alors, Pilate lui dit : “ Refuses-tu de me parler ? Ne comprends-tu pas que j'ai encore le pouvoir de te rendre la liberté ou de te crucifier ? ” Jésus lui répondit : “ Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi si ce n'était autorisé d'en haut. Tu ne pourrais exercer aucune autorité sur le Fils de l'Homme à moins que le Père qui est aux cieux ne le permette. Mais tu n'es pas tellement coupable, car tu ignores l'évangile. Celui qui m'a trahi et celui qui m'a livré à toi ont commis le plus grand péché. ”

    Ce dernier entretien avec Jésus terrifia Pilate. Cet être humain moralement lâche, ce juge débile, peinait maintenant sous le double fardeau de la crainte superstitieuse de Jésus et de la peur mortelle que lui inspiraient les dirigeants juifs.

    Pilate revint devant la foule en disant : “ Je suis certain que cet être humain n'a contrevenu qu'à la religion. Vous devriez le prendre et le juger d'après votre propre loi. Pourquoi espérez-vous que je consentirai à sa mort parce qu'il est entré en conflit avec vos traditions ? ”

    Pilate était sur le point de libérer Jésus lorsque Caïphe, le grand-prêtre, s'approcha du lâche juge romain, secoua un doigt vengeur devant son visage et prononça d'un ton irrité ces paroles que toute la populace put entendre : “ Si tu relâches cet être humain, tu n'es pas l'ami de César, et je veillerai à ce que l'empereur sache tout. ” Cette menace publique dépassa ce que Pilate pouvait endurer. La crainte pour sa situation personnelle éclipsa toute autre considération, et le lâche gouverneur ordonna que Jésus fût amené devant le tribunal. Lorsque le Maitre se tint là devant eux, Pilate le montra du doigt et dit sarcastiquement : “ Voici votre roi. ” Et les Juifs répondirent : “ Finis-en avec lui. Crucifie-le ! ” Alors, Pilate dit avec beaucoup d'ironie et de sarcasme : “ Vais-je crucifier votre roi ? ” Et les Juifs répondirent : “ Crucifie-le ! Nous n'avons pas d'autre roi que César. ” Alors, Pilate se rendit compte qu'il n'y avait plus d'espoir de sauver Jésus, puisque lui-même n'osait pas défier les Juifs.

    Le tragique abandon par Pilate

    Incarné en tant que Fils de l'Homme, le Fils de Dieu se tenait là. Il avait été arrêté sans inculpation, accusé sans preuves, jugé sans témoins, puni sans verdict et il allait bientôt être condamné à mort par un juge injuste qui confessait ne pouvoir trouver aucune faute en lui. Si Pilate avait cru pouvoir faire appel à leur patriotisme en appelant Jésus “ le roi des Juifs”, il avait complètement échoué. Les Juifs n'attendaient pas un roi de ce genre. Lorsque les chefs des prêtres et les sadducéens déclarèrent : “ Nous n'avons pas d'autre roi que César”, cela fut un choc même pour la foule ignorante, mais il était désormais trop tard pour sauver Jésus, même si la populace avait osé prendre parti pour le Maitre.

    Pilate craignait un tumulte ou une émeute. Il n'osa pas risquer de troubles de cet ordre au moment de la Pâque à Jérusalem. Il avait récemment reçu une réprimande de César et ne voulait pas risquer d'en recevoir une autre. La populace applaudit lorsqu'il ordonna de relâcher Barabbas. Il fit ensuite apporter une bassine et un peu d'eau, puis se lava les mains devant la foule en disant : “ Je suis innocent du sang de cet être humain. Vous êtes décidés à ce qu'il meure, mais je n'ai trouvé aucune culpabilité en lui. Occupez-vous-en. Les soldats le conduiront. ” Alors, la populace applaudit et répondit : “ Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. ”

    PEU AVANT LA CRUCIFIXION

    Au moment où Jésus et ses accusateurs partirent pour voir Hérode, le Maitre se tourna vers l'apôtre Jean et dit : “ Jean, tu ne peux rien faire de plus pour moi. Va vers ma mère et ramène-la pour qu'elle me voie avant que je ne meure. ” Lorsque Jean entendit la requête de son Maitre, et bien qu'il répugnât à le laisser seul parmi ses ennemis, il se hâta de partir pour Béthanie où toute la famille de Jésus était rassemblée dans l'expectative chez Marthe et Marie, les soeurs de Lazare que Jésus avait ressuscité d'entre les morts.

    Plusieurs fois durant la matinée, des messagers avaient apporté à Marthe et à Marie des nouvelles des développements du procès de Jésus, mais la famille de Jésus n'arriva à Béthanie que quelques minutes avant Jean qui apportait le message de Jésus demandant à voir sa mère avant d'être mis à mort. Après que Jean Zébédée leur eut raconté tout ce qui s'était passé depuis l'arrestation de Jésus à minuit, Marie sa mère partit aussitôt en sa compagnie pour voir son fils ainé. Au moment où Marie et Jean parvinrent à Jérusalem, Jésus, accompagné des soldats romains qui devaient le crucifier, était déjà arrivé au Golgotha.

    Quand Marie, mère de Jésus, partit de Béthanie avec Jean pour voir son fils, Ruth, la soeur cadette du Maitre, refusa de rester en arrière avec le reste de la famille. Puisqu'elle était décidée à accompagner sa mère, son frère Jude partit avec elle. Les autres membres de la famille du Maitre restèrent à Béthanie sous la direction de Jacques Zébédée. Presque une fois par heure, les messagers de David Zébédée leur apportaient des nouvelles concernant le déroulement de la terrible affaire, la mise à mort de leur frère ainé, Jésus de Nazareth.

    La fin de Judas Iscariot

    Il était à peu près huit heures et demie du matin, ce vendredi, lorsque l'audition de Jésus devant Pilate prit fin et que le Maitre fut remis à la garde des soldats romains chargés de le crucifier. Aussitôt que les Romains prirent possession de Jésus, le capitaine des gardes juifs retourna avec ses êtres humains à leur quartier général du temple. Le chef des prêtres et ses associés sanhédristes suivirent de près les gardes et allèrent directement à leur lieu de réunion habituel dans la salle en pierre de taille du temple. Ils y trouvèrent de nombreux autres membres du Sanhédrin attendant de savoir ce que l'on avait fait de Jésus. Tandis que Caïphe faisait son rapport au Sanhédrin sur le jugement et la condamnation de Jésus, Judas apparut devant eux en réclamant sa récompense pour le rôle qu'il avait joué dans l'arrestation et la condamnation à mort de son Maitre.

    Tous ces Juifs abhorraient Judas; ils n'éprouvaient pour le traitre que des sentiments de total mépris. Durant tout le jugement de Jésus devant Caïphe et sa comparution devant Pilate, Judas eut des troubles de conscience concernant sa félonie. Il commençait aussi à perdre quelque peu ses illusions sur la récompense qu'il devait recevoir en paiement de sa trahison envers Jésus. Il n'aimait pas la froideur et la réserve des autorités juives; cependant, il comptait être largement récompensé pour sa lâche conduite. Il s'attendait à être convoqué devant les sanhédristes réunis au complet pour y entendre son propre panégyrique et se voir conférer des honneurs appropriés en récompense du grand service qu'il se flattait d'avoir rendu à sa nation. On peut donc imaginer la grande surprise de ce traitre égotiste lorsqu'un serviteur du grand-prêtre lui tapa sur l'épaule, le fit sortir de la salle et lui dit : “ Judas, j'ai été chargé de te payer pour avoir trahi Jésus. Voici ta récompense. ” Et le serviteur de Caïphe tendit une bourse contenant trente pièces d'argent – le prix courant d'un bon esclave valide.

    Judas fut abasourdi, muet de stupeur. Il se précipita pour rentrer dans la salle, mais l'huissier lui barra le chemin. Il voulait faire appel au Sanhédrin, mais on ne voulut pas le laisser entrer. Judas ne pouvait pas croire que les dirigeants des Juifs lui avaient permis de trahir ses amis et son Maitre pour lui offrir ensuite trente pièces d'argent en récompense. Il était humilié, désillusionné et complètement écrasé. Il s'éloigna du temple pour ainsi dire en transe. Comme un automate, il fit tomber la bourse dans sa grande poche, la même où il avait si longtemps transporté la bourse contenant les fonds apostoliques. Il erra dans la ville, et en sortit en suivant la foule qui allait assister aux crucifixions.

    Judas aperçut de loin que l'on dressait la croix où Jésus était cloué. À cette vue, il retourna précipitamment au temple, écarta de force le gardien de la porte et se trouva en présence du Sanhédrin, qui était encore en session. Le traitre était à peu près hors d'haleine et profondément bouleversé, mais il réussit à balbutier les paroles suivantes : “ J'ai péché en ce sens que j'ai trahi un sang innocent. Vous m'avez insulté. Vous m'avez offert de l'argent pour ce service – le prix d'un esclave. Je me repens d'avoir fait cela; voilà votre argent. Je veux échapper à la culpabilité de cet acte. ”

    Quand les dirigeants des Juifs entendirent Judas, ils se gaussèrent de lui. L'un d'eux, qui était assis près de l'endroit où Judas était debout, l'invita à sortir de la salle et lui dit : “ Ton Maitre a déjà été mis à mort par les Romains; quant à ta culpabilité, en quoi nous concerne-t-elle ? Occupe-t'en et va-t'en. ”

    En quittant la salle du Sanhédrin, Judas sortit les trente pièces d'argent de la bourse et les lança à la volée sur le sol du temple. Lorsque le traitre sortit, il était presque hors de lui-même. Judas passait maintenant par l'expérience de la réalisation de la véritable nature du péché. Tout l'éclat, la fascination et l'ivresse des mauvaises actions avaient disparu. Maintenant, le malfaiteur se trouvait seul, face à face avec le verdict du jugement de son âme désillusionnée et déçue. Le péché était ensorcelant et aventureux pendant qu'il le commettait, mais maintenant Judas devait faire face à la moisson des faits mis à nu et dépourvus de romanesque.

    Celui qui avait été jadis ambassadeur sur Terre du royaume des cieux errait maintenant seul et abandonné dans les rues de Jérusalem. Son désespoir était affreux et presque absolu. Il poursuivit sa route dans la ville, puis hors des murs jusque dans la solitude sauvage de la vallée du Hinnom, où il grimpa sur des rochers abrupts. Il prit la ceinture de son vêtement, en attacha une extrémité à un petit arbre, noua l'autre autour de son cou et se jeta dans le précipice. Avant qu'il fût mort, le noeud qu'il avait attaché de ses mains nerveuses s'était desserré, et le corps du traitre fut déchiqueté par les rochers pointus sur lesquels il tomba.

    L'attitude du Maitre

    Quand Jésus fut arrêté, il savait que son oeuvre sur Terre, dans la similitude de la chair mortelle, était achevée. Il comprenait pleinement le genre de mort qui allait lui être infligé, et ne s'intéressait guère aux détails de ses prétendus jugements.

    Devant le Sanhédrin, Jésus refusa de répondre aux témoignages des témoins parjures. Une seule question attirait toujours une réponse, qu'elle fût posée par des amis ou des ennemis : c'était celle qui concernait la nature et la divinité de sa mission sur Terre. Quand on lui demandait s'il était le Fils de Dieu, il donnait infailliblement une réponse. Il refusa fermement de parler durant sa comparution devant le curieux et inique Hérode. Devant Pilate, il parla simplement quand il crut que Pilate ou quelque autre être humain sincère pouvait être aidé par ses paroles à mieux connaître la vérité. Jésus avait enseigné à ses apôtres qu'il était inutile de jeter leurs perles aux pourceaux, et maintenant il osait pratiquer ce qu'il avait enseigné. Sa conduite, à ce moment-là, donna l'exemple de la patiente soumission de la nature humaine doublée du majestueux silence et de la solennelle dignité de la nature divine. Il était tout à fait prêt à discuter avec Pilate de toute question concernant les inculpations politiques portées contre lui – de toute question reconnue par lui comme relevant de la juridiction du gouverneur.

    Jésus était convaincu que la volonté de son Père était qu'il se soumette au cours naturel et ordinaire des évènements humains, exactement comme toute autre créature mortelle doit le faire. C'est pourquoi il refusa d'employer même ses pouvoirs purement humains d'éloquence persuasive pour influencer l'issue des machinations de ses contemporains socialement myopes et spirituellement aveugles. Bien que Jésus ait vécu et soit mort sur Terre, toute sa carrière humaine, depuis le commencement jusqu'à la fin, fut un spectacle destiné à influencer et à instruire tout l'univers local qu'il avait créé et qu'il soutenait sans cesse.

    Les Juifs à courte vue poussaient des clameurs indécentes pour la mort du Maitre tandis qu'il se tenait là dans un silence terrible, contemplant la scène de mort d'une nation – du propre peuple de son père terrestre.

    Jésus avait acquis le type de caractère humain qui peut conserver son sang-froid et affirmer sa dignité en face d'insultes constantes et gratuites. On ne pouvait l'intimider. Lors des premières voies de fait par le serviteur d'Annas, il se borna à suggérer qu'il vaudrait mieux appeler des témoins qui puissent dument témoigner contre lui.

    Du commencement jusqu'à la fin de son prétendu jugement devant Pilate, les légions célestes en observation ne purent se retenir de télédiffuser à l'univers la description de la scène de “ Pilate en jugement devant Jésus ”.

    Lors de sa comparution devant Caïphe, quand tous les témoignages parjures se furent effondrés, Jésus n'hésita pas à répondre à la question du chef des prêtres et à fournir ainsi, par son propre témoignage, la base sur laquelle le tribunal désirait s'appuyer pour le convaincre de blasphème.

    Le Maitre ne manifesta jamais le moindre intérêt aux efforts bien intentionnés, mais tièdes, de Pilate pour arriver à le relaxer. Il avait réellement pitié de Pilate et s'efforça sincèrement d'éclairer son mental enténébré. Il resta entièrement passif devant tous les appels du gouverneur romain aux Juifs pour qu'ils retirent leurs inculpations criminelles contre lui. Durant toute la triste épreuve, il se comporta avec une dignité simple et une majesté sans ostentation. Il ne voulut même pas faire remarquer l'insincérité de ceux qui voulaient l'assassiner lorsqu'ils lui demandèrent s'il était “ roi des Juifs ”. Avec un minimum de rectifications, il accepta l'appellation, sachant qu'ils avaient choisi de le rejeter, mais que, même au sens spirituel, il serait le dernier à représenter réellement un chef pour leur nation.

    Jésus parla peu durant ces procès, mais il en dit assez pour montrer, à tous les mortels, le genre de caractère que les humains peuvent perfectionner en association avec Dieu, et pour révéler, à tout l'univers, la manière dont Dieu peut se manifester dans la vie d'une créature quand celle-ci choisit véritablement de faire la volonté du Père et devient ainsi un fils actif du Dieu vivant.

    Son amour pour des mortels ignorants est pleinement mis en lumière par sa patience et sa grande maitrise de soi en face des railleries, des coups et des soufflets des soldats grossiers et des serviteurs irréfléchis. Il ne s'irrita même pas quand ils lui bandèrent les yeux et le frappèrent ironiquement au visage en s'écriant : “ Prophétise et dis-nous qui t'a frappé. ”

    Pilate était plus proche de la vérité qu'il ne le croyait quand, après avoir fait flageller Jésus, il le présenta à la foule en s'écriant : “ Voici l'être humain ! ” En vérité le gouverneur romain, transi de peur, n'imaginait guère qu'au même instant l'univers se tenait au garde-à-vous, contemplant le spectacle unique de son Souverain bien-aimé ainsi humilié et subissant les sarcasmes et les coups de ses sujets mortels avilis et plongés dans l'ignorance. Pendant que Pilate parlait, la phrase “ Voici Dieu et l'être humain ! ” retentissait dans tout Nébadon. Depuis lors, dans un univers entier, des myriades de créatures ont continué à contempler cet être humain, tandis que le Dieu de Havona, chef suprême de l'univers des univers, accepte l'être humain de Nazareth comme satisfaisant l'idéal des créatures mortelles de cet univers local du temps et de l'espace. Dans sa vie incomparable, Jésus ne manqua jamais de révéler Dieu à l'être humain. Maintenant au cours de ces derniers épisodes de sa carrière humaine et de sa mort, il faisait une nouvelle et émouvante révélation de l'être humain à Dieu.

    David Zébédée, celui sur qui on pouvait compter

    Peu après que Jésus eut été remis aux soldats romains à la fin de l'audience devant Pilate, un détachement de gardes du temple fut envoyé d'urgence à Gethsemani pour disperser ou arrêter les disciples du Maitre. Mais, longtemps avant son arrivée, ceux-ci s'étaient éparpillés. Les apôtres s'étaient retirés dans des cachettes convenues d'avance; les Grecs s'étaient séparés et rendus dans diverses maisons de Jérusalem; les autres disciples avaient également disparu. David Zébédée se doutait que les ennemis de Jésus allaient revenir, de sorte qu'il transporta sans tarder cinq ou six tentes plus haut dans le ravin, près de l'endroit où le Maitre s'était si souvent retiré pour prier et adorer. C'était là qu'il se proposait de se cacher tout en maintenant un centre, une station coordonnatrice, pour son service de messagers. À peine David avait-il quitté le camp que les gardes du temple arrivèrent. Ne trouvant plus personne sur place, ils se contentèrent d'incendier le camp et de retourner en hâte au temple. En entendant leur rapport, le Sanhédrin fut assuré que les disciples de Jésus étaient si complètement effrayés et subjugués qu'il n'y avait plus de danger d'émeute ni d'une quelconque tentative pour sauver Jésus des mains de ses bourreaux. Enfin, les sanhédristes pouvaient respirer à l'aise; ils levèrent donc la séance, chacun allant son chemin pour préparer la Pâque.

    Aussitôt que Pilate eut remis Jésus aux soldats romains pour le crucifier, un messager partit en hâte pour Gethsemani afin d'informer David. En moins de cinq minutes, des coureurs étaient partis pour Bethsaïde, Pella, Philadelphie, Sidon, Shéchem, Hébron, Damas et Alexandrie, portant la nouvelle que Jésus était sur le point d'être crucifié par les Romains à la demande instante des chefs des Juifs.

    Durant toute cette journée tragique, et jusqu'au dernier message informant que le Maitre avait été couché dans la tombe, David envoya, presque toutes les demi-heures, des messagers porteurs de rapports aux apôtres, aux Grecs et à la famille terrestre de Jésus rassemblée chez Lazare à Béthanie. Quand les messagers partirent avec la nouvelle que Jésus avait été enseveli, David donna congé à son groupe de coureurs locaux pour la célébration de la Pâque et le repos du sabbat du lendemain. Il leur ordonna de se présenter discrètement à lui, le dimanche matin, chez Nicodème, où il se proposait de se cacher quelques jours avec André et Simon Pierre.

    Ce David Zébédée, dont le mental était si particulier, était le seul des principaux disciples de Jésus à être enclin à prendre au pied de la lettre et comme un fait positif l'affirmation que le Maitre allait mourir et “ ressusciter le troisième jour ”. David avait une fois entendu Jésus faire cette prédiction. Ayant une tournure de pensée pratique, il se proposait maintenant de rassembler ses messagers de bonne heure, le dimanche matin, chez Nicodème afin de les avoir à sa disposition pour répandre la nouvelle, au cas où Jésus ressusciterait d'entre les morts. David ne tarda pas à découvrir qu'aucun des disciples de Jésus ne s'attendait à le voir revenir si tôt de la tombe. Il parla donc peu de sa conviction et ne dit pas qu'il avait mobilisé tout son corps de messagers de bonne heure le dimanche matin, sauf aux coureurs qui avaient été dépêchés le vendredi matin vers les villes lointaines et les centres de croyants.

    Ainsi, les disciples de Jésus, dispersés dans Jérusalem et ses environs, mangèrent la Pâque cette nuit-là et restèrent cloitrés le lendemain.

    Préparatifs pour la crucifixion

    Après que Pilate se fut lavé les mains devant la foule, cherchant ainsi à échapper à la culpabilité d'avoir livré un innocent à la crucifixion simplement parce qu'il craignait de résister aux clameurs des dirigeants juifs, il ordonna que le Maitre fût remis aux soldats romains et donna pour instructions à leur capitaine de le crucifier immédiatement. En prenant charge de Jésus, les soldats le reconduisirent à la cour du prétoire, lui ôtèrent la robe qu'Hérode lui avait mise et l'habillèrent de ses propres vêtements. Ces soldats se moquèrent de lui et le tournèrent en dérision, mais ne lui infligèrent pas de nouveaux sévices physiques. Jésus se trouvait désormais seul avec ces soldats romains. Ses amis se cachaient, ses ennemis étaient allés leur chemin, et même Jean Zébédée n'était plus à ses côtés.

    Il était un peu plus de huit heures du matin, lorsque Pilate remit Jésus aux soldats, et un peu moins de neuf heures, lorsqu'ils partirent pour la scène de la crucifixion. Durant cet intervalle de plus d'une demi-heure, Jésus ne prononça pas une parole. Les affaires exécutives d'un grand univers étaient pratiquement au point mort. Gabriel et les principaux dirigeants de Nébadon étaient soit assemblés ici sur Terre, soit à l'affut des rapports spatiaux des archanges dans un effort pour suivre de près ce qui advenait au Fils de l'Homme sur Terre.

    Lorsque les soldats furent prêts à partir avec Jésus pour le Golgotha, ils avaient déjà commencé à être impressionnés par son sang-froid insolite et son extraordinaire dignité, ainsi que par son silence sans plaintes.

    Une grande partie du retard à emmener Jésus au lieu de la crucifixion provint d'une décision du capitaine prise à la dernière minute. Il voulut emmener également deux voleurs qui avaient été condamnés à mort. Puisque Jésus devait être crucifié ce matin-là, le capitaine romain pensa que les deux larrons pouvaient tout aussi bien mourir avec lui que d'attendre la fin des festivités de la Pâque.

    Aussitôt que les voleurs purent être mis à sa disposition, on les conduisit dans la cour où ils regardèrent Jésus. L'un d'eux le voyait pour la première fois, mais l'autre l'avait souvent entendu parler, d'une part dans le temple, et d'autre part bien des mois auparavant au camp de Pella.

    Relation entre la mort de Jésus et la Pâque

    Il n'y a pas de relation directe entre la mort de Jésus et la Pâque juive. Il est vrai que le Maitre abandonna sa vie charnelle ce jour-là, le jour de la préparation de la Pâque juive et à peu près à l'heure où l'on sacrifiait les agneaux pascals dans le temple. Mais la coïncidence de ces évènements n'indique, en aucune manière, que la mort du Fils de l'Homme sur Terre ait un rapport quelconque avec le système sacrificiel juif. Jésus était un Juif, mais, en tant que Fils de l'Homme, il était un mortel du royaume. Les évènements déjà racontés et aboutissant à cette heure où le Maitre allait être crucifié suffisent à démontrer que sa mort, à cette époque, fut une affaire purement naturelle et manigancée par les êtres humains.

    Ce fut l'être humain, et non Dieu, qui projeta et mit à exécution la mort de Jésus sur la croix. Il est vrai que le Père refusa de s'immiscer dans la marche des évènements humains sur Terre, mais le Père du Paradis ne décréta, ne demanda, ni n'exigea la mort de son Fils telle qu'elle eut lieu sur Terre. Il est de fait que tôt ou tard, et d'une certaine manière, Jésus aurait été obligé de se séparer de son corps mortel, de mettre fin à son incarnation, mais il aurait pu le faire par d'innombrables moyens sans mourir sur une croix entre deux larrons. Ces actes furent tous l'oeuvre de l'être humain, et non de Dieu.

    À l'époque de son baptême, le Maitre avait déjà achevé la partie technique de l'expérience terrestre et charnelle nécessaire pour parachever sa septième et dernière effusion universelle. Dès ce moment-là, Jésus avait accompli son devoir sur Terre. Toute la vie qu'il vécut ensuite, et même la manière dont il mourut, ne furent qu'un ministère personnel de sa part pour le bien-être et l'élévation de ses créatures mortelles sur ce monde et sur d'autres mondes.

    L'évangile de la bonne nouvelle que l'être humain mortel peut, par la foi, devenir conscient en esprit qu'il est fils ou fille de Dieu, ne dépend pas de la mort de Jésus. Il reste cependant vrai que tout cet évangile du royaume fut prodigieusement éclairé par la mort du Maitre, mais il le fut plus encore par sa vie.

    Tout ce que le Fils de l'Homme dit ou fit sur Terre embellit considérablement les doctrines de la filiation avec Dieu et de la fraternité des êtres humains, mais ces rapports essentiels entre Dieu et les êtres humains sont inhérents aux faits universels de l'amour de Dieu pour ses créatures et de la miséricorde innée des Fils divins. Ces relations touchantes et divinement belles entre l'être humain et son Créateur, sur ce monde et sur tous les autres mondes de l'univers des univers, ont existé de toute éternité. Elles ne dépendent en aucun sens de la pratique des effusions périodiques des Fils Créateurs de Dieu, qui revêtent ainsi la nature et la similitude des intelligences créées par eux, en tant que partie du prix qu'ils doivent payer pour acquérir définitivement la souveraineté illimitée sur leurs univers locaux respectifs.

    Le Père qui est aux cieux aimait tout autant l'être humain mortel de la Terre avant la vie et la mort de Jésus sur Terre qu'il l'aime après cette manifestation transcendante de l'association de l'être humain avec Dieu. Cette grandiose opération de l'incarnation du Dieu de Nébadon en tant qu'être humain sur Terre ne pouvait accroitre les attributs du Père éternel, infini et universel, mais elle enrichit et éclaira tous les autres administrateurs et les créatures de l'univers de Nébadon. Le Père qui est aux cieux ne nous aime pas davantage à cause de cette effusion de Michael, mais toutes les autres intelligences célestes ont accru leur amour pour nous. Cela tient à ce que non seulement Jésus fit une révélation de Dieu aux êtres humains, mais aussi effectua une nouvelle révélation des êtres humains aux Dieux et aux intelligences célestes de l'univers des univers.

    Jésus ne mourut pas à titre de sacrifice pour le péché; il n'expia pas la culpabilité morale innée de la race humaine. L'humanité n'est pas racialement coupable de cette manière devant Dieu. La culpabilité est uniquement une affaire de péché personnel, la rébellion consciente et délibérée contre la volonté du Père et l'administration de ses Fils.

    Le péché et la rébellion n'ont rien à voir avec le plan fondamental d'effusion des Fils Paradisiaques de Dieu, bien qu'il nous semble que le plan de salut soit une caractéristique provisoire du plan d'effusion.

    Dieu aurait sauvé les mortels de la Terre d'une manière tout aussi efficace et absolument certaine si Jésus n'avait pas été mis à mort par la main cruelle de mortels ignorants. Si le Maitre avait été reçu favorablement par les mortels de la Terre, et s'il était parti de notre planète en abandonnant volontairement sa vie charnelle, le fait de l'amour de Dieu et de la miséricorde du Fils – le fait de la filiation avec Dieu – n'en aurait été affecté en rien. Les mortels de la Terre sont les fils et les filles de Dieu et, pour transformer cette vérité en un fait dans leur expérience personnelle, il ne leur est demandé qu'une seule chose : la foi née d'esprit.

    PRÉPARATION À LA CRUCIFIXION

    Après que les deux brigands eurent été préparés, les soldats partirent, sous le commandement d'un centurion, pour le lieu de la crucifixion. Le centurion commandant ces douze soldats était le capitaine qui avait conduit les soldats romains la nuit précédente pour arrêter Jésus à Gethsemani. Les Romains avaient coutume d'assigner quatre soldats à toute personne qui devait être crucifiée. Les deux brigands furent dument flagellés avant d'être emmenés pour être crucifiés, mais Jésus ne subit pas de nouveaux sévices physiques. Sans aucun doute, le capitaine estimait qu'il avait déjà été suffisamment flagellé avant même sa condamnation.

    Les deux larrons crucifiés avec Jésus étaient des associés de Barabbas et auraient été mis à mort plus tard avec leur chef si ce dernier n'avait pas été relaxé en vertu du pardon de Pilate pour la Pâque. Jésus fut donc crucifié à la place de Barabbas.

    Ce que Jésus est sur le point de faire, se soumettre à la mort sur la croix, il le fait de son plein gré. En prédisant cette expérience, il avait dit : “ Le Père m'aime et me soutient parce que je suis disposé à abandonner ma vie. Mais je la reprendrai. Nul ne peut m'ôter ma vie – je l'abandonne de moi-même. J'ai autorité pour l'abandonner, et j'ai autorité pour la reprendre. J'ai reçu de mon Père ce pouvoir. ”

    C'est juste avant neuf heures, ce matin-là, que les soldats amenèrent Jésus du prétoire vers le Golgotha. Ils étaient suivis par beaucoup de personnes qui sympathisaient secrètement avec Jésus, mais la plupart des quelque deux-cents membres au plus, du groupe étaient soit ses ennemis, soit des badauds qui désiraient simplement jouir du choc émotionnel du spectacle de la crucifixion. Seuls quelques dirigeants juifs allèrent voir Jésus mourir sur la croix. Sachant qu'il avait été remis par Pilate aux soldats romains et qu'il était condamné à mourir, les autres s'occupèrent de leur réunion dans le temple, où ils discutèrent ce qu'il y avait lieu de faire de ses disciples.

    Sur le chemin de Golgotha

    Avant de quitter la cour du prétoire, les soldats placèrent la traverse de la croix sur les épaules de Jésus. La coutume voulait que le condamné porte la traverse de sa croix jusqu'au lieu de la crucifixion. Le condamné ne portait pas toute la croix, mais seulement la courte branche horizontale. Les poteaux de bois verticaux des trois croix avaient déjà été transportés au Golgotha et, avant l'arrivée des soldats et de leurs prisonniers, ils avaient été solidement implantés dans le sol.

    Conformément à la coutume, le capitaine conduisit la procession en portant de petits écriteaux blancs sur lesquels on avait inscrit au fusain les noms des criminels et la nature des crimes ayant motivé leur condamnation. Pour les deux voleurs, le centurion avait des notices donnant leur nom au-dessous duquel était écrit le seul mot “ Brigand ”. Après que la victime eut été clouée à la traverse et hissée en place sur le poteau vertical, la coutume voulait que son écriteau fût fixé au sommet de la croix, juste au-dessus de la tête du criminel, afin que tous les témoins puissent savoir pour quel crime le condamné était crucifié. L'écriteau que le centurion portait pour l'apposer sur la croix de Jésus avait été rédigé par Pilate lui-même en latin, en grec et en araméen, et l'on y lisait : “ Jésus de Nazareth – le Roi des Juifs. ”

    Certains dignitaires juifs, encore présents quand Pilate écrivit cette légende, protestèrent vigoureusement contre le qualificatif de “ Roi des Juifs ” appliqué à Jésus. Mais Pilate leur rappela que cette accusation faisait partie de l'inculpation qui avait conduit à le faire condamner. Voyant qu'ils ne pourraient forcer Pilate à changer d'idée, les Juifs demandèrent que l'inscription fût au moins changée en “ Il a dit : Je suis le roi des Juifs ”. Mais Pilate fut intraitable et ne voulut pas modifier l'écriteau. À toutes leurs nouvelles suppliques, il se borna à répondre : “ Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. ”

    Ordinairement, les cortèges de cet ordre allaient au Golgotha par la route la plus longue, afin qu'un grand nombre de personnes puissent regarder le criminel condamné, mais ce jour-là on prit le chemin le plus court vers la porte de Damas, qui marquait la sortie de la ville vers le nord. Le cortège suivit cette route et arriva bientôt au Golgotha, lieu officiel des crucifixions à Jérusalem. Au-delà du Golgotha, se trouvaient des villas de citoyens riches, et de l'autre côté de la route on voyait les tombeaux de beaucoup de Juifs fortunés.

    La crucifixion n'était pas un châtiment juif. Les Grecs et les Romains avaient appris des Phéniciens cette méthode d'exécution. Même Hérode, avec toute sa cruauté, n'avait pas recours à la crucifixion. Les Romains ne crucifiaient jamais un citoyen romain; ils ne soumettaient à ce genre de mort déshonorante que des esclaves et des citoyens des peuples assujettis. Quarante ans exactement après la crucifixion de Jésus, durant le siège de Jérusalem, tout le Golgotha fut couvert de milliers et de milliers de croix sur lesquelles périssait, jour après jour, la fleur de la race juive. Ce fut, en vérité, une terrible moisson pour la graine semée ce jour-là.

    Tandis que la procession funèbre passait dans les rues étroites de Jérusalem, un grand nombre de Juives au coeur tendre, qui avaient entendu les paroles d'encouragement et de compassion de Jésus, et connaissaient le ministère d'amour qu'était sa vie, ne purent s'empêcher de pleurer quand elles le virent conduit vers une mort aussi ignominieuse. À son passage, beaucoup de ces femmes pleuraient et se lamentaient. Quand quelques-unes osèrent même le suivre en marchant à ses côtés, le Maitre tourna la tête vers elles et leur dit : “ Filles de Jérusalem, ne pleurez pas pour moi, mais pleurez plutôt pour vous-mêmes et vos enfants. Mon oeuvre est à peu près achevée – je m'en vais bientôt auprès de mon Père – mais l'époque des malheurs terribles pour Jérusalem ne fait que commencer. Voici venir les jours où vous direz : Bénies les stériles et celles dont les seins n'ont jamais allaité leurs petits. En ces jours-là, vous prierez les rochers des montagnes de tomber sur vous pour vous délivrer de la terreur de vos tribulations. ”

    Ces femmes de Jérusalem étaient vraiment courageuses en manifestant de la sympathie pour Jésus, car la loi interdisait strictement de montrer des sentiments amicaux à un condamné que l'on conduisait à la crucifixion. La populace était autorisée à huer, à railler et à ridiculiser le condamné, mais il n'était pas permis d'exprimer une sympathie quelconque. Jésus apprécia cette manifestation de sympathie en cette heure sombre où ses amis se cachaient, mais il ne voulut pas que ces femmes de coeur encourent la réprobation des autorités pour avoir osé lui témoigner de la compassion. Même dans un moment pareil, Jésus ne pensait guère à lui-même, mais seulement aux affreux jours de tragédie qui attendaient Jérusalem et toute la nation juive.

    Tandis que le Maitre cheminait péniblement vers la crucifixion, il éprouva une fatigue extrême; il était presque épuisé. Il n'avait reçu ni nourriture ni boisson depuis le dernier souper chez Élie Marc. On ne lui avait pas non plus permis de jouir d'un instant de sommeil. En outre, les interrogatoires s'étaient succédé sans interruption jusqu'à l'heure de sa condamnation, sans compter la flagellation abusive avec les souffrances physiques et les pertes de sang consécutives. Se superposant à tout cela, il y avait son extrême angoisse mentale, sa tension spirituelle aiguë et un terrible sentiment de solitude humaine.

    Peu après avoir passé la porte conduisant hors de la ville, tandis que Jésus chancelait en portant la traverse de sa croix, sa force physique fléchit momentanément, et il tomba sous le poids de son lourd fardeau. Les soldats l'invectivèrent et lui donnèrent des coups de pied, mais il ne put se relever. Le capitaine savait ce que Jésus avait déjà enduré ; voyant cela, il commanda aux soldats de se tenir tranquilles. Puis il ordonna à un passant, un certain Simon de Cyrène, d'enlever la traverse de croix des épaules de Jésus, et la lui fit porter tout le reste du chemin jusqu'au Golgotha.

    Ce Simon avait parcouru toute la route depuis Cyrène, en Afrique du Nord, pour assister à la Pâque. Il logeait, avec d'autres Cyrénéens, juste en dehors des remparts de la ville et se rendait au temple pour assister aux services quand le capitaine romain lui ordonna de porter la traverse de croix de Jésus. Simon s'attarda auprès du Maitre durant les heures de sa mort sur la croix en conversant avec beaucoup d'amis de Jésus et avec ses ennemis. Après la résurrection et avant de quitter Jérusalem, il devint un courageux croyant à l'évangile du royaume et, lors de son retour chez lui, il fit entrer sa famille dans le royaume céleste. Ses deux fils, Alexandre et Rufus, enseignèrent très efficacement le nouvel évangile en Afrique. Mais Simon ne sut jamais que Jésus, dont il avait porté le fardeau, et le précepteur juif qui avait jadis porté secours à son fils blessé, étaient la même personne.

    Il était un peu plus de neuf heures lorsque la procession funèbre arriva au Golgotha et que les soldats romains se mirent à l'oeuvre pour clouer les deux brigands et le Fils de l'Homme sur leurs croix respectives.

    La crucifixion

    Les soldats commencèrent par attacher les bras du Maitre à la traverse avec des cordes, puis ils clouèrent ses mains au bois. Après avoir hissé la traverse sur le poteau et l'avoir solidement clouée sur le bras vertical de la croix, ils lièrent les pieds de Jésus et les clouèrent au bois en se servant d'un seul grand clou pour percer les deux pieds. Le poteau vertical portait une grosse cheville insérée à la bonne hauteur pour soutenir le poids du corps comme une sorte de selle. La croix n'était pas haute; les pieds du Maitre ne se trouvaient qu'à environ un mètre du sol. Il pouvait donc entendre tout ce que l'on disait de lui en dérision et bien distinguer l'expression du visage de tous ceux qui se moquaient si bêtement de lui. Les personnes présentes pouvaient de même entendre facilement toutes les paroles que Jésus prononça durant ces heures de torture prolongée et de mort lente.

    La coutume voulait que l'on ôte tous leurs vêtements à ceux qui allaient être crucifiés, mais les Juifs faisaient de grandes objections à ce que l'on exposât publiquement la nudité d'une forme humaine. À Jérusalem, les Romains fournissaient donc toujours un pagne à tous les condamnés à la crucifixion. En conséquence, après que l'on eut déshabillé Jésus, on le ceignit de la sorte avant de le mettre en croix.

    On avait recours à la crucifixion pour infliger un châtiment cruel et prolongé, car la victime ne mourait parfois qu'après plusieurs jours. Il y avait à Jérusalem une forte opposition sentimentale à la crucifixion, et il y existait une association féminine juive qui envoyait toujours un représentant aux crucifixions en vue d'offrir à la victime un vin mêlé d'un stupéfiant pour diminuer ses souffrances. Lorsque Jésus eut gouté ce vin narcotisé, et bien qu'il fût assoiffé, il refusa de le boire. Le Maitre choisit de conserver sa conscience humaine jusqu'à la dernière extrémité. Il voulait rencontrer la mort, même sous cette forme cruelle et inhumaine, et en triompher par soumission volontaire à la pleine expérience humaine.

    Avant que Jésus fût mis sur sa croix, les deux brigands avaient déjà été placés sur la leur, maudissant constamment leurs bourreaux et crachant sur eux. Les seules paroles de Jésus pendant qu'ils le clouaient sur la traverse furent : “ Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. ” Il n'aurait pu intercéder avec tant d'amour et de miséricorde en faveur de ses bourreaux si de telles pensées de dévotion affectueuse n'avaient été le principe même de toute sa vie de service désintéressé. Les idées, les mobiles et les désirs profonds de toute une vie se révèlent au grand jour dans une crise.

    Après que le Maitre eut été hissé sur la croix, le capitaine cloua l'écriteau au-dessus de sa tête, et l'on y pouvait lire en trois langues : “ Jésus de Nazareth – le Roi des Juifs. ” S'estimant insultés, les Juifs furent exaspérés. Mais leurs manières irrespectueuses avaient agacé Pilate; il sentait qu'il avait été intimidé et humilié, et adopta cette méthode pour obtenir une mesquine revanche. Il aurait pu écrire : “ Jésus, un rebelle ”, mais il savait combien ces Juifs de Jérusalem détestaient le nom même de Nazareth, et il était résolu à les humilier ainsi. Pilate savait aussi qu'il les toucherait au vif en voyant appelé ce Galiléen exécuté “ Le Roi des Juifs ”.

    En apprenant comment Pilate avait cherché à les tourner en dérision en plaçant cette inscription sur la croix de Jésus, beaucoup de dirigeants juifs se hâtèrent d'aller au Golgotha, mais ils n'osèrent pas enlever l'écriteau parce que les soldats romains montaient la garde. Dans leur impuissance, ces chefs se mêlèrent à la foule et firent tout leur possible pour inciter les spectateurs à railler et à ridiculiser le crucifié, de crainte que certains ne prennent l'inscription au sérieux.

    L'apôtre Jean, accompagné de Marie mère de Jésus, de Ruth et de Jude, arriva sur la scène tout de suite après que Jésus eut été hissé en position sur la croix, et au moment où le capitaine clouait l'écriteau au-dessus de la tête du Maitre. Jean fut le seul des onze apôtres à assister à la crucifixion, et même lui n'y fut pas présent tout le temps, car il courut à Jérusalem pour amener sa mère et les amies de sa mère au Golgotha, peu après y avoir conduit la mère de Jésus.

    Lorsque Jésus vit sa mère avec son frère, sa soeur et Jean, il sourit sans rien dire. Entretemps, les quatre soldats affectés à la crucifixion du Maitre avaient, selon la coutume, partagé ses vêtements entre eux. L'un avait pris les sandales, un autre le turban, un autre la ceinture et le quatrième le manteau. Restait la tunique, le vêtement sans couture descendant presque jusqu'aux genoux, à couper en quatre morceaux; voyant combien cette pièce était inhabituelle, les soldats décidèrent de la tirer au sort. D'en haut, Jésus les regardait se partager ses vêtements, tandis que la foule irréfléchie se moquait de lui.

    Il est heureux que les soldats romains se soient emparés des vêtements du Maitre. Autrement, si ses disciples en avaient pris possession, ils auraient été tentés d'en faire des reliques, des objets d'adoration superstitieuse. Le Maitre désirait que ses disciples n'aient rien de matériel à lier avec sa vie terrestre. Il voulait laisser à l'humanité uniquement le souvenir d'une vie humaine dédiée au haut idéal spirituel d'une consécration à faire la volonté du Père.

    Ceux qui virent la crucifixion

    Vers neuf heures et demie ce vendredi matin, Jésus fut suspendu à la croix. Avant onze heures, plus de mille personnes s'étaient rassemblés pour assister au spectacle de la crucifixion du Fils de l'Homme. Durant ces heures épouvantables, les armées invisibles d'un univers regardaient en silence cet extraordinaire phénomène du Créateur mourant de la mort de la créature, et même de la mort la plus infamante d'un criminel condamné.

    Parmi les personnes qui se tinrent près de la croix à un moment ou à un autre durant la crucifixion, il y eut Marie, Ruth, Jude, Jean, Salomé Zébédée (la mère de Jeanet un groupe de croyantes sincères et convaincues comprenant Marie (femme de Clopas et soeur de la mère de Jésus), Marie-Madeleine et Rébecca, qui avait autrefois habité à Sepphoris. Ceux-ci, et d'autres amis de Jésus, gardèrent le silence tandis qu'ils observaient sa grande patience et sa force d'âme, et le voyaient souffrir intensément.

    Beaucoup de passants hochaient la tête et disaient en le raillant : “ Toi, qui voulais détruire le temple et le rebâtir en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, pourquoi ne descends-tu pas de ta croix ? ” D'une manière analogue, certains dirigeants des Juifs se moquaient de lui en disant : “ Il en a sauvé d'autres, mais il ne peut se sauver lui-même. ” D'autres disaient : “ Si tu es le roi des Juifs, descends de la croix, et nous croirons en toi. ” Plus tard, ils se moquèrent encore plus de lui en disant : “ Il s'est fié à Dieu pour le délivrer. Il a même prétendu être le Fils de Dieu – regardez-le maintenant – crucifié entre deux larrons. ” Même les deux larrons le raillèrent et l'accablèrent de reproches.

    Puisque Jésus ne voulait rien répondre à leurs sarcasmes, et que midi approchait en ce jour de préparation spéciale, la majeure partie de la foule gouailleuse et goguenarde s'était dispersée vers onze heures et demie; moins de cinquante personnes étaient restées sur place. Les soldats se mirent alors à manger leur déjeuner et à boire leur vin aigre et bon marché, puis ils s'installèrent pour la longue veillée mortuaire. Tandis qu'ils buvaient leur vin, ils burent ironiquement à la santé de Jésus en disant : “ Salut et bonne chance ! Au roi des Juifs. ” Et ils furent étonnés de voir le Maitre tolérer avec mansuétude leurs dérisions et leurs moqueries.

    En les voyant manger et boire, Jésus abaissa les yeux sur eux et dit : “ J'ai soif. ” Quand le capitaine de la garde entendit Jésus dire qu'il avait soif, il prit un peu de vin de sa bouteille, piqua le bouchon spongieux saturé au bout d'un javelot et l'éleva jusqu'à Jésus pour lui permettre d'humecter ses lèvres desséchées.

    Jésus avait décidé de vivre sans avoir recours à son pouvoir surnaturel; de même il choisit de mourir sur la croix comme un mortel ordinaire. Il avait vécu comme un être humain et voulait mourir comme un être humain – en faisant la volonté du Père.

    Le larron sur la croix

    L'un des brigands railla Jésus en disant : “ Si tu es le Fils de Dieu, pourquoi n'assures-tu pas ton salut et le nôtre ? ” Lorsqu'il eut ainsi fait des reproches à Jésus, l'autre voleur, qui avait souvent entendu le Maitre enseigner, dit au premier : “ Ne crains-tu même pas Dieu ? Ne vois-tu pas que nous souffrons à juste titre pour nos agissements, mais que cet être humain souffre injustement ? Nous ferions mieux de rechercher le pardon pour nos péchés et le salut pour notre âme. ” Quand Jésus entendit le larron dire cela, il tourna son visage vers lui et sourit d'un air approbateur. En voyant le visage de Jésus tourné vers lui, le malfaiteur rassembla son courage, ralluma la flamme vacillante de sa foi et dit : “ Seigneur, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume. ” Jésus dit alors : “ En vérité, en vérité, je te le dis aujourd'hui, tu seras un jour avec moi au Paradis. ”

    Au milieu des douleurs du trépas physique, le Maitre avait le temps d'écouter la confession de foi du brigand croyant. Quand ce larron essaya d'obtenir le salut, il trouva la délivrance. Bien des fois auparavant, il avait été amené à croire en Jésus, mais ce fut seulement au cours de ces dernières heures de conscience qu'il se tourna de tout son coeur vers l'enseignement du Maitre. Quand il vit la manière dont Jésus affrontait la mort sur la croix, ce larron ne put résister plus longtemps à la conviction que ce Fils de l'Homme était en vérité le Fils de Dieu.

    Durant cet épisode de la conversion du larron et de son admission au royaume par Jésus, l'apôtre Jean s'était absenté pour aller à la ville afin d'amener sa mère et les amies de celle-ci à la scène de la crucifixion. Luc le médecin apprit ultérieurement cette histoire de la bouche du capitaine romain converti.

    L'apôtre Jean parla de la crucifixion en se souvenant de l'évènement deux tiers de siècle après le déroulement des faits. Les autres narrations furent basées sur le récit du centurion romain de la garde qui, en raison de ce qu'il avait vu et entendu, crut en Jésus et, par suite, entra pleinement dans la communauté du royaume des cieux sur Terre.

    Ce jeune être humain, le brigand repentant, avait été conduit à une vie de violence et de méfaits par ceux qui prônaient une telle carrière de brigandage comme une protestation patriotique efficace contre l'oppression politique et l'injustice sociale. Cette sorte d'enseignement, accru du besoin d'aventure, conduisit beaucoup de jeunes gens, par ailleurs bien intentionnés, à s'enrôler dans d'audacieuses expéditions de vol à main armée. Ce jeune être humain avait considéré Barabbas comme un héros. Maintenant, il voyait qu'il s'était trompé. Ici, sur la croix à côté de lui, il voyait un être humain réellement grand, un vrai héros. Celui-ci était un héros qui enflammait son zèle, inspirait ses plus hautes idées de dignité morale et vivifiait tous ses idéaux de courage, de virilité et de bravoure. En observant Jésus, il sentait jaillir dans son coeur un sentiment irrésistible d'amour, de loyauté et d'authentique grandeur.

    Si, parmi la foule sarcastique, une autre personne avait ressenti la naissance de la foi dans son âme et fait appel à la miséricorde de Jésus, elle aurait été reçue avec une affectueuse considération analogue à celle témoignée au brigand croyant.

    Tout de suite après que le voleur repentant eut entendu la promesse du Maitre qu'ils se reverraient un jour au Paradis, Jean revint de la ville, amenant avec lui sa mère et un groupe de près d'une douzaine de femmes croyantes. Jean reprit sa place auprès de Marie, mère de Jésus, et la soutint. Son fils Jude se tenait de l'autre côté. Au moment où Jésus abaissa son regard sur cette scène, il était midi, et il dit à sa mère : “ Femme, voilà ton fils ! ” Ensuite, parlant à Jean, il dit : “ Mon fils, voilà ta mère ! ” Puis il s'adressa aux deux en disant : “ Je désire que vous quittiez ce lieu. ” Jean et Jude éloignèrent donc Marie du Golgotha. Jean emmena la mère de Jésus à l'endroit où il séjournait à Jérusalem, puis se hâta de revenir à la scène de la crucifixion. Après la Pâque, Marie retourna à Bethsaïde où elle vécut chez Jean durant le reste de sa vie terrestre. Elle survécut à peine une année à la mort de Jésus.

    Après que Marie se fut éloignée, les autres femmes se retirèrent à une courte distance et restèrent à veiller sur Jésus jusqu'à ce qu'il eût expiré sur la croix. Elles étaient encore là quand le corps du Maitre fut descendu pour être inhumé.

    La dernière heure sur la croix

    Bien qu'il fût tôt dans la saison pour ce phénomène, le ciel s'assombrit peu après midi par suite de la présence de sable fin dans l'atmosphère. La population de Jérusalem savait que cela signifiait l'arrivée d'une tempête de sable par vent chaud venant du désert d'Arabie. Avant une heure de l'après-midi, le ciel était devenu tellement sombre que le soleil était voilé ; le reste de la foule se hâta de rentrer en ville. Quand le Maitre abandonna sa vie peu après ce moment-là, moins de trente personnes étaient présentes. Il n'y avait plus que les treize soldats romains et un groupe d'une quinzaine de croyants. Ces croyants étaient tous des femmes sauf deux, Jude, le frère de Jésus, et Jean Zébédée, qui était revenu sur les lieux juste avant le dernier soupir du Maitre.

    Peu après une heure de l'après-midi, dans l'obscurité croissante de la violente tempête de sable, Jésus commença à perdre sa conscience humaine. Il avait prononcé ses dernières paroles de miséricorde, de pardon et d'exhortation. Son dernier souhait – concernant le soin de sa mère – avait été exprimé. Durant cette heure où la mort approchait, le mental humain de Jésus eut recours à la répétition de nombreux passages des Écritures hébraïques, particulièrement des Psaumes. La dernière pensée conscience du Jésus humain fut sa répétition mentale d'une partie du Livre des Psaumes maintenant appelée Psaumes XX, XXI et XXII (* voir au bas de la page). Ses lèvres remuaient souvent, mais il était trop faible pour prononcer, au moment où elles traversaient son mental, les paroles de ces passages qu'il connaissait par coeur. De rares fois seulement, ceux qui se trouvaient à proximité purent entendre des citations telles que : “ Je sais que le Seigneur sauvera son oint ”, “ Ta main découvrira tous mes ennemis ” et “ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? ” Jésus n'eut jamais le moindre doute qu'il avait vécu conformément à la volonté du Père et qu'il abandonnait maintenant sa vie charnelle conformément à la volonté de son Père. Il n'avait pas le sentiment que le Père l'eût abandonné. Il se bornait à réciter dans sa conscience évanescente de nombreux passages des Écritures parmi lesquels le Psaume XXII qui commence par : “ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? ” Il advint que ce fut l'une des trois citations qu'il prononça assez clairement pour que puissent l'entendre ceux qui se tenaient près de lui.

    La dernière demande que Jésus, en tant que mortel, adressa à ses semblables fut formulée vers une heure et demie lorsqu'il dit une seconde fois “ J'ai soif ”. Le capitaine de la garde humecta de nouveau les lèvres du Maitre avec la même éponge trempée dans du vin aigre que l'on appelait alors communément vinaigre.

    La violence de la tempête de sable allait croissant et le ciel s'obscurcissait de plus en plus. Pourtant les soldats et le petit groupe de croyants demeuraient là. Les soldats se blottissaient près de la croix, pelotonnés pour se protéger du sable cinglant. La mère de Jean et quelques autres personnes observaient à distance, d'un endroit où elles étaient un peu abritées par un rocher en surplomb. Quand le Maitre rendit finalement son dernier soupir, il y avait au pied de sa croix Jean Zébédée, Jude le frère de Jésus, Ruth sa soeur, Marie-Madeleine et Rébecca, jadis établie à Sepphoris.

    Ce fut juste avant trois heures que Jésus, d'une voix forte, s'écria : “ C'est fini ! Père, je remets mon esprit entre tes mains. ” Après avoir ainsi parlé, il inclina la tête et abandonna la lutte pour la vie. Voyant comment Jésus était mort, le centurion romain se frappa la poitrine et dit : “ C'était en vérité un être humain juste; il doit vraiment avoir été un Fils de Dieu. ” Et, à partir de cette heure, il commença à croire en Jésus.

    Jésus mourut royalement – comme il avait vécu. Il admit franchement sa royauté et resta maitre de la situation durant toute la journée tragique. Il alla volontairement à sa mort infamante après avoir veillé à la sauvegarde de ses apôtres choisis. Il empêcha sagement Pierre de causer des troubles par sa violence, et s'arrangea pour que Jean puisse rester auprès de lui jusqu'à la fin de son existence de mortel. Il révéla sa vraie nature au Sanhédrin meurtrier et rappela à Pilate la source de son autorité souveraine en tant que Fils de Dieu. Il partit pour le Golgotha en portant sa propre traverse de croix, et termina son effusion d'amour en remettant au Père du Paradis l'esprit qu'il avait acquis en tant que mortel. Après une telle vie – et au moment d'une telle mort – le Maitre pouvait vraiment dire : “ C'est fini. ”

    Parce que c'était le jour de préparation à la fois de la Pâque et du sabbat, les Juifs ne voulaient pas que les corps restent exposés sur le Golgotha. Ils se rendirent donc devant Pilate pour demander que les jambes des trois êtres humains fussent brisées et qu'on les achevât, de manière à pouvoir les descendre de leur croix et les jeter, avant le coucher du soleil, dans les fosses mortuaires des criminels. À la suite de cette requête, Pilate envoya aussitôt trois soldats pour briser les jambes et donner le coup de grâce à Jésus et aux deux brigands.

    Quand ces soldats arrivèrent au Golgotha, ils exécutèrent leur consigne sur les deux voleurs, mais, à leur grande surprise, ils trouvèrent Jésus déjà mort. Toutefois, en vue de s'assurer de son décès, l'un des soldats lui perça le flanc gauche de sa lance. Il était commun, pour les victimes de la crucifixion, de trainer leur vie sur la croix pendant deux ou trois jours; mais, dans le cas de Jésus, son martyr émotionnel accablant et son angoisse spirituelle aiguë provoquèrent la fin de sa vie charnelle en un peu moins de cinq heures et demie.

    Après la crucifixion

    Au milieu de l'obscurité de la tempête de sable, vers trois heures et demie, David Zébédée envoya son dernier messager portant la nouvelle de la mort du Maitre. Il expédia le dernier de ses coureurs vers la maison de Marthe et Marie à Béthanie, où il supposait que la mère de Jésus demeurait avec le reste de sa famille.

    Après la mort du Maitre, Jean envoya les femmes, sous la direction de Jude, chez Élie Marc, où elles demeurèrent jusqu'au lendemain du sabbat. Quant à Jean, désormais bien connu du centurion romain, il resta au Golgotha jusqu'à l'arrivée de Joseph d'Arimathie et de Nicodème munis d'un ordre de Pilate les autorisant à prendre possession du corps de Jésus.

    Ainsi se termina une journée de tragédie et de douleur pour un vaste univers dont les myriades d'intelligences avaient frémi au spectacle choquant de la crucifixion de la forme humaine incarnée de leur bien-aimé Souverain; elles étaient abasourdies par cette exhibition de perversité humaine et d'insensibilité de la part des mortels.
    Note :
    Psaumes XX
    Que Dieu te réponde quand tu es affligé, que le nom du Dieu de Jacob te protège !
    Qu'il t'envoie de l'aide depuis son temple, qu'il te soutienne depuis Jérusalem !
    Qu'il se rappelle toutes tes offrandes, qu'il apprécie le service que tu lui apportes !
    Qu'il te donne ce que ton coeur désire, qu'il réalise tous tes projets !
    Alors nous nous réjouirons pour ta victoire, nous lèverons le drapeau en l'honneur de notre Dieu. Que Dieu réalise toutes tes demandes !
    Maintenant, je le sais : Dieu sauve celui qu'il a choisi. Il lui répond depuis sa sainte demeure céleste. Sa main puissante fait des exploits pour le secourir.
    Certains comptent sur les chars de guerre, d'autres comptent sur leurs chevaux. Notre force à nous, c'est d'invoquer le nom de Dieu, l'Eternel.
    Eux, ils deviennent faibles, puis ils tombent; nous, nous tenons ferme et restons debout.
    Dieu, sauve le roi ! Qu'il nous réponde quand nous l'appelons !
    Psaumes XXI
    Mon Dieu, le roi se réjouit de ta puissante protection. Quand tu le secours, il danse de joie.
    Tu lui donnes ce que son coeur désire, tu ne refuses pas ce que sa bouche demande.
    Oui, tu lui apportes bonheur et bénédictions, tu poses sur sa tête une couronne d'or.
    Il te demandait la vie, tu la lui as donnée, une longue vie pour toujours et à jamais.
    La gloire du roi est immense à cause de ton secours. Tu le couvres de grandeur et d'honneur.
    Tu fais de lui à jamais un objet bénédiction, ta présence le remplit de joie.
    Oui, le roi fait confiance à Dieu, la bonté du Très-Haut l'empêche de tomber.
    Toi, le roi, tu trouveras tous tes ennemis, ta main trouvera ceux qui te détestent.
    Quand tu seras devant eux, ils seront rendus comme un grand feu. Dans sa colère, Dieu les anéantira, et un feu les dévorera.
    Tu feras disparaître leurs enfants de la Terre, et leur race parmi les êtres humains.
    S'ils cherchent à te faire du mal, s'ils préparent de mauvais desseins contre toi, ils ne réussiront pas.
    Car tu tendras ton arc contre eux, tu les viseras et tu les mettras en fuite.
    Mon Dieu, montre ta grande force ! Car nous voulons chanter et célébrer ta puissance.
    Psaumes XXII
    Mon Dieu, mon Dieu ! Pourquoi m'as-tu abandonné ? Je crie, mais ton secours ne vient pas.
    Mon Dieu, je fais appel à toi durant le jour, mais tu ne réponds pas. Pendant la nuit, je t'appelle encore et je ne trouve pas le repos.
    Pourtant, tu es le Dieu Saint, tu es assis sur ton siège royal, et tu reçois sans cesse les louanges d'Israël !
    Nos ancêtres se confiaient en toi, en toi ils ont mis leur confiance et tu les délivrais.
    Vers toi, ils ont crié, et tu les as libérés. En toi, ils se sont confiés, et ils ne l'ont pas regretté.
    Mais moi, je suis comme un ver de terre et non un être humain. Les gens m'insultent et me méprisent.
    Tous ceux qui me voient se moquent de moi. Ils ouvrent la bouche, et secouent la tête, en disant :
    « Il a fait confiance à Dieu. Eh bien, si Dieu l'aime, il n'a qu'à le délivrer et le sauver ! »
    Oui, tu m'as fait sortir du sein maternel, tu m'as mis en sureté sur sa poitrine.
    J'ai été sous ta protection dès ma naissance; depuis le ventre de ma mère tu es mon Dieu.
    Ne reste pas loin de moi quand le malheur est proche, quand je n'ai personne pour m'aider.
    Beaucoup d'ennemis m'entourent, ils sont autour de moi comme les puissants taureaux du Bachan.
    Ils sont comme des lions, ils ouvrent leur gueule contre moi pour rugir et déchirer.
    Ma force s'en va comme l'eau qui coule, tous mes os se détachent. Mon coeur est comme la cire, il fond dans ma poitrine.
    Ma gorge est sèche comme un morceau de terre cuite, et ma langue reste collée dans ma bouche. Tu me mets déjà au bord de la tombe.
    Car des gardiens m'environnent, une bande de scélérats rôdent autour de moi; ils ont percé mes mains et mes pieds.
    Je pourrais compter tous mes os. Eux, ils observent et ils me regardent.
    Ils se partagent mes vêtements et ils tirent au sort ma tunique.
    Et toi, mon dieu, ne t'éloigne pas ! Toi qui es ma force, viens en hâte à mon secours !
    Protège mon âme contre l'épée, ma vie contre le pouvoir des méchants !
    Sauve-moi de la gueule du lion, délivre-moi des cornes du buffle !
    Je publierai ton nom parmi mes frères, Je te célébrerai au milieu des êtres humains.
    Vous qui craignez Dieu, remerciez-le ! Vous tous, fils de Jacob, fêtez-le ! Vibrez devant lui, vous tous, descendants d'Israël !
    Car il n'a ni mépris ni dédain pour les peines du misérable, et il ne lui cache point sa face; mais il l'écoute quand il crie à lui.
    Tu seras dans la famille humaine l'objet de mes louanges. J'accomplirai mes voeux en présence de ceux qui te respectent.
    Les malheureux mangeront et se rassasieront, ceux qui cherchent Dieu le célébreront. Que votre âme vive à toujours !
    Toutes les extrémités de la Terre penseront à Dieu et se tourneront vers lui; Toutes les familles des nations s'agenouilleront devant ta face.
    Car à Dieu appartient le règne : il domine sur les nations.
    Tous les puissants de la Terre mangeront et s'agenouilleront; devant lui les mortels de la Terre s'inclineront tous.
    Les descendants le serviront; on parlera de Dieu à la génération future.
    Quand cette génération viendra, elle annoncera la justice de Dieu, elle annoncera son oeuvre au nouveau peuple.






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